La mise sur pied et le développement de CBC/Radio-Canada, société fondée dans la première moitié du siècle dernier, représentent un exploit de la volonté nationale. Le radiodiffuseur public est une réalisation collective issue du désir commun d’être renseignés, instruits et divertis, tout comme de l’envie de discuter et, surtout, de se faire entendre.
La présidente de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, a récemment exprimé le souhait de diversifier les revenus à la disposition du radiodiffuseur public, déclarant que « Radio-Canada était vulnérable aux fluctuations du marché et aux changements au sein du gouvernement. » Nous pensons qu’elle fait ce qu’elle pense être le mieux, compte tenu des circonstances.
Comme c’est le cas pour tout nouveau plan stratégique, celui que CBC/Radio-Canada a rendu public en début de semaine entraîne une certaine inquiétude quant aux changements qui y sont énoncés. De nombreuses questions demeurent sans réponse et, même si la haute direction y donnera suite au cours des prochains jours et mois, nous pensons qu’il est important de vous faire part de nos réflexions au sujet de ce plan.
En tant que syndicat, nous tenons à ce que les conditions de travail soient maintenues ou améliorées et, bien sûr, nous souhaitons que CBC/Radio-Canada réussisse autant que faire se peut. Pour ce qui est des priorités du plan stratégique, nous surveillerons notamment les questions suivantes et en discuterons avec la direction :
– En ce qui concerne le passage plus marqué vers une personnalisation des services numériques, la Guilde canadienne des médias (GCM) continuera à faire pression pour une plus grande stabilité d’emploi. Même si les nouvelles initiatives et les emplois axés sur les projets peuvent donner lieu à des temps morts entre les projets, il est important que les conditions d’emploi demeurent aussi prévisibles et stables que possible. Comme toujours, nous examinerons le nombre d’employés et ferons respecter les dispositions de notre nouvelle convention collective concernant l’embauche de travailleurs temporaires et contractuels.
– Bien que nous appuyions les efforts visant à accorder la priorité aux liens avec les régions, nous croyons également que ces liens se tissent plus facilement lorsque les membres travaillent et vivent au sein des collectivités locales auxquelles ils offrent des services. Cela permet aux employés de bénéficier des relations nécessaires dans la collectivité et de les entretenir, en plus de manifester l’engagement de CBC/Radio-Canada envers la collectivité.
– La GCM, de concert avec d’autres syndicats au sein du radiodiffuseur public, travaille avec CBC/Radio-Canada par l’entremise du Comité mixte sur l’équité en matière d’emploi afin d’améliorer la diversité parmi les employés. Ces efforts communs contribueront à soutenir la priorité visant à incarner le Canada d’aujourd’hui. Il y a encore du travail à faire et nous appuyons cette initiative en faveur d’une main-d’œuvre plus représentative, malgré la récente déclaration spécieuse d’un porte-parole de CBC/Radio-Canada qui a représenté de manière inexacte les dispositions relatives à l’ancienneté comme constituant un obstacle à la réalisation de ce but.
– Accorder la priorité à l’exportation de contenu canadien pourrait offrir à CBC/Radio-Canada de nombreuses possibilités, notamment la capacité de diversifier ses sources de revenus. Il est important pour la Société d’y parvenir compte tenu de son modèle de financement actuel et du niveau inadéquat du financement public qui a été rendu disponible.
– Lorsque les changements envisagés requerront la réaffectation de ressources, la GCM travaillera en étroite collaboration avec la direction avant leur mise en œuvre afin d’assurer que les membres subissent le moins d’effets négatifs possible.
Le radiodiffuseur public et le financement public
D’abord et avant tout, CBC/Radio-Canada est une institution axée sur l’intérêt du public. Le radiodiffuseur public a pour but d’exercer la fonction de principal producteur et programmateur de contenu au Canada, d’établir les normes en matière de programmation innovante et de grande qualité, et de constituer un incubateur majeur de talent canadien. Aujourd’hui, la nécessité pour CBC/Radio-Canada de jouer ce rôle demeure.
Mark Starowicz s’est récemment prononcé au sujet de la menace d’« extinction » qui pèse sur les nouvelles locales. Dans de telles circonstances, un bien public comme CBC/Radio-Canada joue le rôle de filet de sécurité indispensable à l’intérêt du public, à mesure que la collecte de nouvelles s’effrite dans les collectivités partout au Canada.
Afin de remplir pleinement son mandat comme radiodiffuseur public canadien, CBC/Radio-Canada a besoin d’un financement public fiable et accru.
Pourtant, entre 1990-1991 et 2014-2015, le montant du crédit parlementaire du radiodiffuseur public, mesuré en dollars constants, a chuté de 1 078 millions de dollars à 650 millions.
Si CBC/Radio-Canada était actuellement financée à un niveau comparable à celui de 1990-1991 en dollars constants (indexés), le crédit parlementaire accordé au radiodiffuseur public en 2018 s’élèverait à environ 1 800 millions de dollars.
Or, le montant se rapprochait davantage de 1 200 millions de dollars, soit un écart de quelque 600 millions de dollars, et ce, après que le gouvernement libéral actuel avait rétabli une partie du financement public de CBC/Radio-Canada à la suite de la dernière élection fédérale en 2015.
Quiconque voudrait sérieusement augmenter le nombre d’emplois permanents disponibles au sein de CBC/Radio-Canada doit tenir compte de ce contexte.
CBC/Radio-Canada peut être restaurée et le pays peut bâtir un radiodiffuseur public encore meilleur, proposant des services améliorés, ainsi que de meilleures perspectives d’emploi. Cela nécessitera de l’engagement, une volonté nationale et un accent sur l’intérêt public.
Dans cette optique, la GCM propose que le financement public de CBC/Radio-Canada soit immédiatement rétabli à un niveau comparable à celui de 1990-1991, en dollars constants (1 800 millions de dollars par année).
La GCM demande également qu’au cours des 10 prochaines années, le financement public de notre radiodiffuseur soit doublé par rapport au niveau actuel afin que nous puissions continuer à le bâtir en ce début de siècle et favoriser ainsi la création d’emplois plus intéressants et de perspectives plus novatrices.
Compte tenu de la population et de la diversité croissantes du Canada ainsi que des besoins en matière d’innovation continue et de perspectives d’emploi sur un plus grand nombre de plateformes, le financement public du radiodiffuseur devrait être doublé et passer de 1 200 millions de dollars à 2 400 millions, en dollars indexés, au cours des 10 prochaines années.
Voilà le genre d’investissement et d’engagement dont nous avons besoin pour élaborer des plans stratégiques véritablement ambitieux et pour continuer à bâtir à partir de ce que nous avons déjà accompli.
En toute solidarité,
Jonathan Spence
Présidente, Sous-section de CBC/Radio-Canada, Guilde canadienne des médias
Kamala Rao
Présidente, Guilde canadienne des médias