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Au pays de Harper, Radio-Canada doit survivre

Par Karen Wirsig

Au pays de Harper, on tente de faire croire qu’il existe un doute quant à la nécessité pour le pays d’avoir un radiodiffuseur public. Ce n’est pas qu’il y a un manque de culture au pays de Harper. C’est plutôt qu’au pays de Harper, l’émission de télévision que l’on préfère est intitulée Papa a raison. Au pays de Harper, il existe une autre version de la célèbre histoire biblique David et Goliath où le voyou, intelligent et discipliné, a souvent le dessus sur ses opposants et il célèbre ses victoires bien enveloppé dans son unifolié. Les fossiles de dinosaures sont une source éthique et sécuritaire de carburant qui peut ou non être renouvelable, mais on ne veut pas trop poser de questions à ce sujet.

Le pays de Harper est une réalité qui existe grâce à d’interminables et d’incessants points de discussion et aussi aux limites imposées à la discussion publique, aux débats et aux opinions divergentes. Dans ce contexte, la radiodiffusion n’est pas seulement inutile, elle est carrément nuisible. Il est donc étonnant lorsqu’une personnalité publique prend position contre cette notion, comme l’a fait le 16 mai Lloyd Robertson au moment de son intronisation au Canadian News Hall of Fame (le Panthéon canadien des nouvelles).

« Le Canada a besoin, et a toujours eu besoin, d’un radiodiffuseur public », a déclaré le chef d’antenne ayant les plus longs états de service au Canada anglais et qui a passé la plus grande partie de sa carrière aux commandes du bulletin d’informations du réseau privé CTV. Il ne s’agit pas des propos d’un anarchiste aux cheveux longs. Il s’agit plutôt de la voix bien-aimée du Canada profond qui faisait état d’une évidence qui, soudainement, semble radicale.

La place qu’occupe le radiodiffuseur public n’a jamais été aussi limitée, particulièrement au Canada anglais. La CBC est coincée par des conglomérats privés enhardis du secteur des communications, comme Bell, Rogers et Shaw, qui contrôlent maintenant la majorité de la production du contenu lucratif, en plus d’avoir les moyens de le diffuser. Parce qu’elle subit une réduction de ses subventions, Radio-Canada/CBC doit réduire ses coûts d’exploitation, c’est-à-dire ses installations et sa programmation, et doit, plus que jamais, trouver de nouvelles sources indépendantes de financement. Elle devra transférer sa programmation radio sur le Web afin de générer de possibles revenus publicitaires, vendre de l’espace publicitaire sur Espace Musique et Radio Two, vendre ou louer ses édifices à des locataires commerciaux.

Au sujet de la fermeture de ses infrastructures, Radio-Canada/CBC va mettre la clé sous la porte de ces studios d’enregistrement régionaux et des studios d’enregistrement mobiles. La Société fera de même du studio de production télé d’Halifax, le seul à l’est de Montréal, là où on réalise l’émission This Hour Has 22 Minutes. De plus, on cesse la transmission par ondes courtes de Radio Canada International, on démantèle le réseau national d’émetteurs de signaux en direct qui est la seule alternative à la distribution de télévision par câble, par satellite ou par Internet de la part d’entreprises à but lucratif.

La programmation locale et régionale est la seule priorité publique qui n’a pas été touchée par les récentes compressions budgétaires. Toutefois, la programmation locale et régionale pourrait bientôt en prendre pour son rhume. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a tenu dernièrement des audiences pour savoir si le Fonds pour l’amélioration de la programmation locale allait être renouvelé. Ce fonds octroie des sommes à des stations de télévision dans des communautés de moins de un million de téléspectateurs afin de permettre la production de programmation locale. L’argent de ce fonds provient des revenus générés par des entreprises de câblodistribution et de satellite, comme Shaw, Bell et Rogers. Radio-Canada/CBC reçoit environ 40 million de dollars par année du fonds en question. La Société d’État se sert de cet argent pour produire de la programmation en langues française et en anglaise destinée à des petits marchés. En fait, Radio-Canada produit plus de programmation locale et régionale que tous les autres radiodiffuseurs. La plupart des câblodistributeurs et des entreprises de satellite ont dit au CRTC qu’ils voulaient abolir le Fonds. Nous connaitrons le sort du Fonds à la fin de l’année. Si le Fonds est aboli, la programmation locale et régionale de Radio-Canada/CBC va en prendre un coup en l’absence d’une source alternative de financement public.

Si Radio-Canada implosait, il y en aurait plusieurs au pays de Harper qui seraient ravis de ce dénouement.

Mais tout n’est pas perdu. Les Canadiens qui refusent de payer le prix d’entrée au pays de Harper ou qui ont déjà pris la porte de sortie prennent part à des discussions animées au sujet de l’avenir du radiodiffuseur public. Réinventons Radio-Canada, Friends of Canadian Broadcasting en anglais seulement, et même le Toronto Star en anglais seulement, tiennent des événements en ligne et en personne afin de brasser des idées et des suggestions en faveur de Radio-Canada. Tous amiEs de Radio-Canada et J’aime Radio-Canada ont mis sur pied des campagnes en ligne afin d’appuyer la Société d’État.

Les Canadiens qui appuient la radiodiffusion publique doivent se faire entendre immédiatement par le biais de ces campagnes ainsi qu’en discutant de cet enjeu avec leur député fédéral avant qu’il ne soit trop tard. Nous avons besoin de Radio-Canada. Mais ne vous fiez pas à moi, fiez-vous plutôt à Lloyd Robertson.

Karen Wirsig est coordonatrice des communications à la Guilde canadienne des médias. Vous pouvez la suivre sur Twitter au @karenatcmg ou vous pouvez la contacter par courriel au karen@cmg.ca

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