Autrefois j’ai travaillé chez Bell Canada. À mon embauche, je suis devenu automatiquement membre d’un syndicat. Bien que j’appréciais les avantages de faire partie d’un syndicat, je n’ai jamais vraiment pensé au travail requis pour syndiquer un milieu de travail ou même des exigences pour faire fonctionner ce syndicat pour le bénéfice de ses membres. Vous n’y avez probablement pas trop pensé non plus, mais vous pourriez détenir la clé à la croissance de notre syndicat. Le gros du travail consiste simplement à faire circuler l’information au sujet de ce qu’un syndicat peut faire et à expliquer comment les travailleurs peuvent accueillir un syndicat dans leur milieu de travail.
C’est seulement lorsque je suis devenu président de ma sous-section que j’ai appris comment se forme un syndicat. Et lorsque j’ai appris à implanter un syndicat dans un milieu où les travailleurs n’avaient pas les mêmes avantages que moi, j’ai voulu m’engager davantage. Mon syndicat m’a affecté à la syndicalisation des travailleurs d’une usine de cartons, située près de London, en Ontario. Ce fut mon baptême du feu. Même si nous avions des appuis au sein de l’entreprise, nous avons perdu le vote parce que le patron intimidait les employés. Heureusement, la Commission des relations de travail a déterminé que les gestes de l’employeur étaient illégaux et elle a permis aux employés de se syndiquer.
Il a fallu quelques années après le début de la campagne de syndicalisation à l’usine de cartons pour obtenir la première convention collective. L’endurance est de mise lorsqu’on implante un syndicat dans un milieu de travail. Mais le jeu en vaut la chandelle. Les employés n’avaient pas reçu d’augmentation de salaire depuis longtemps et ils en avaient assez de se faire traiter de façon irrespectueuse par leur employeur sans avoir de recours. Le patron avait nommé un « comité de travailleurs » et même ces employés sélectionnés avaient tenté pendant des années de faire part des problèmes dans ce milieu de travail, mais en vain. Avec un syndicat, les membres ont pu choisir leurs représentants, ils ont pu faire preuve de solidarité et, à partir de ce moment, ils détenaient un vrai pouvoir de négociation.
Lorsque des travailleurs se syndiquent, c’est rarement pour des raisons salariales. C’est plutôt pour plein de raisons qui peuvent sembler mineures, mais qui minent la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. À titre d’exemples : les règlements qui semblent changer sur un coup de tête, le favoritisme, l’affectation des quarts de travail, le manque de bonne communication avec le patron, le fait de ne pas se sentir valorisé et apprécié. Tous ces facteurs poussent les gens à croire qu’ils ont besoin d’un syndicat.
Je m’entretenais récemment avec des interprètes judiciaires à la pige d’Ottawa. Ils m’ont dit que leur plus grand problème était le manque de considération de la part de leur employeur, le gouvernement. Ces interprètes sont bien moins rémunérés que ceux des autres provinces ou du secteur privé. Et pourtant, ces interprètes font un travail essentiel afin que les gens qui n’ont pas l’anglais comme langue maternelle puissent avoir un procès équitable. Mais il n’y a pas que la question salariale. Ils n’ont jamais été consultés au sujet d’un nouveau système d’accréditation. Ce système laisse certains interprètes compétents sans travail et il crée souvent une charge excessive de travail pour les autres. De plus, leurs quarts de travail peuvent être annulés sans préavis et sans compensation. Cette situation devrait nous préoccuper tous. Avec de telles conditions de travail, le gouvernement risque de provoquer une pénurie de gens prêts à faire ce type de travail si important.
Le milieu du travail a changé et il continue de changer. Les emplois bien rémunérés et autrefois détenus par des syndiqués ont été transférés à l’étranger. La technologie n’a pas seulement éliminé des emplois mais des industries entières. Notre façon de travailler est différente. Les employeurs exigent de la souplesse. Il y a une abondance de pigistes sur le marché du travail. De nouvelles industries ont vu le jour et elles ont remplacé d’anciennes industries. Le travail précaire et celui à temps partiel sont devenus la norme. Les travailleurs subissent d’énormes pressions afin de réduire leur salaire et leurs avantages sociaux lorsque l’économie va mal et que le taux de chômage est à la hausse.
Mais il reste une chose qui n’a pas encore changé. Les syndicats instaurent la démocratie dans les milieux de travail et créent plus d’équité dans la relation avec les gens qui signent les chèques de paie. Un syndicat donne une voix aux travailleurs. Des améliorations peuvent être apportées par le biais de négociations de conventions collectives. Un individu seul est bien impuissant devant un employeur. Nous sommes plus forts lorsque nous faisons preuve de solidarité.
La croissance de notre syndicat par le recrutement de nouveaux membres rend le reste de notre travail plus facile. Nous savons et nous tenons parfois pour acquis ce que signifie être membre d’un syndicat. La plupart des gens n’ont pas l’assurance que leurs collègues seront solidaires avec eux, ils n’ont pas le choix de déposer un grief ou même de pouvoir demander une audition équitable avec leur superviseur, ils n’ont pas la chance de voter pour ou contre une nouvelle convention collective.
En freinant le déclin du nombre de travailleurs syndiqués et en augmentant leur quantité, nous insufflons dans le mouvement syndical de la diversité, de nouvelles idées et du talent. Ainsi, nous assurerons le fonctionnement de notre syndicat et l’offre de services à nos membres. Autrement dit, plus il y aura de nouveaux syndiqués dans de nouveaux milieux de travail, mieux ce sera aussi pour les travailleurs qui sont déjà syndiqués.
C’est dans ce contexte que vous pouvez jouer un rôle. Vous avez probablement des amis ou des membres de votre famille qui ne sont pas syndiqués et qui rouspètent contre leur milieu de travail. Prenez le temps de leur dire qu’un syndicat pourrait régler beaucoup de leurs problèmes. Si vos connaissances veulent discuter de leurs préoccupations, veuillez leur refiler mon numéro de téléphone et leur dire que je suis là pour les écouter et les aider. Ensemble nous ferons grandir notre syndicat et notre mouvement.
Dave Bosveld est le directeur de la syndicalisation de la CWA-SCA Canada, le syndicat mère de la GCM. Vous pouvez le contacter sur son portable au 416 948-0539 ou par courriel au dbosveld@cwa-scacanada.ca.