Il a été encourageant de voir les employés de la BBC s’opposer aux changements proposés par le radiodiffuseur public du Royaume-uni. La grève d’un jour tenue à la fin du mois de mai par des milliers de travailleurs a réussi à faire reculer en partie ceux qui allaient procéder à d’importantes mises à pied et à des initiatives de privatisation. Cette grève a interrompu la diffusion d’émissions très populaires. L’arrêt de travail a aussi démontré la solidarité des employés face à une attaque contre une des principales sources d’information de qualité au monde.
Les syndicats qui représentent les employés de la BBC ont promis qu’il y aurait d’autres grèves si la Société n’abandonne pas son projet d’imposer d’importantes mises à pied d’ici 2007. Les journalistes de la BBC soutiennent, et avec raison, qu’on ne peut pas réduire le personnel de 20% et s’attendre à la même qualité, même si les modèles de gestion incitent à procéder de cette façon.
Le directeur général de la BBC, Mark Thompson, a dit que le milliard de dollars économisé grâce aux compressions de personnel sera dépensé dans la programmation et le contenu. La direction de la BBC veut prouver aux politiciens qu’elle peut optimiser ses ressources. Est-ce que ce discours vous est familier?
Au Canada, on connaît très bien ce petit manège. La SRC/CBC diminue à vue d’oeil depuis environ 20 ans à cause des énormes compressions dans les budgets d’exploitation accordés par Ottawa dans les années 1990. Depuis ce temps, ces sommes n’ont jamais été réinjectées et le financement est resté fixe. Les dirigeants de la SRC/CBC ont réagi en devenant des adeptes du mythe de la réduction des effectifs. Cette logique veut que si nous rapetissons pour s’adapter aux compressions budgétaires et que nous continuons de travailler efficacement, il y aura une récompense pour la SRC/CBC dans le prochain budget fédéral. Ça n’a pas fonctionné.
Ce qui en résulte, c’est une SRC/CBC réduite. Un point c’est tout.
Elle a été charcuté et privatisé, un bout à la fois, pour composer avec les différentes crises budgétaires. Des bulletins de nouvelles régionales de qualité ont fait partie des premières victimes. Mais les premiers à tomber sous le couperet ont été les bulletins de fin de soirée. Ensuite, les bulletins locaux de 18 heures ont été écourté.
Les dramatiques ont été guillotiné. Jusqu’au milieu des années 1980, la CBC réalisait des douzaines de productions dramatiques de qualité par année. Aujourd’hui, il ne reste plus de réalisateur spécialisé en dramatique. La CBC prévoit se débarrasser de plusieurs des accessoires qui étaient utilisés lors de ces émissions. La plupart des émissions qui ne sont pas à caractère informatives que vous voyez à la CBC sont achetées à des producteurs indépendants qui n’ont pas nécessairement le diffuseur public à coeur.
En information, les employés de la SRC/CBC produisent des émissions avec très peu de budget et avec des équipes réduites qui donnent leur maximum pour offrir un produit de qualité malgré le contexte.
Le mois dernier, la CBC a annoncé son intention d’abolir son service de publicité et de donner ce travail à une firme privée. Cette mesure touche les gens qui font la promotion des émissions créées par la CBC et qui sont en contact direct avec le public lors d’événements communautaires partout au pays. On pourrait penser que ce travail devrait être fait par des gens qui connaissent la programmation de la CBC et qui comprennent la radiodiffusion publique. Mais pour économiser, la CBC a décider qu’elle allait sabrer dans les relations avec l’auditoire et faire effectuer ce travail par une firme privée.
La CBC espère injecter ces économies dans sa programmation d’émissions de télévision dramatiques qui seront, bien sûr, achetées ailleurs. Le cycle des compressions se poursuit. Comment donc le diffuseur public canadien s’acquitte-t-il du mandat de créer de la programmation indépendante et sérieuse s’il délègue la réalisation et la promotion de ses émissions ?
Comme leurs collègues de la BBC, les employés de la SRC/CBC se sentent souvent comme les derniers défenseurs de cette institution à laquelle les Canadiens tiennent et à qui ils font confiance. Or, ces employés sont aussi menacés. Les présentes négociations portent en partie sur l’objectif de la SRC/CBC d’avoir tout son personnel à contrat et d’éliminer les emplois permanents dans certains services de la Société. Il s’agit de créer une entreprise selon le modèle de gestion qui n’a rien à faire de ces engagements encombrants envers son personnel, sans la mémoire collective et, finalement, sans cette faculté de développer une vision à long terme et cohérente.
Entretemps, je dis bravo aux employés de la BBC dont le travail est devenu un critère d’excellence partout dans le monde en ce qui a trait à une information de qualité, neutre et sans filtre. Luttons pour la préservation de la BBC et de sa programmation maintenant avant qu’il ne soit trop tard.