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Campagnes planétaires : bien plus que des courriels de protestation et des messages de solidarité

Le mouvement syndical a l’habitude de faire des campagnes en ligne. En fait, nous sommes à l’aube de la troisième décennie de cette pratique.

De façon soudaine, la technologie a permis, presque du jour au lendemain, à un grand nombre de membres de syndicats d’accomplir du travail international de solidarité à un coût réduit et à une vitesse jamais vu auparavant.
Internet ne peut pas, et ne devrait surtout pas, remplacer une rencontre en personne, un piquet de grève ou une grande manifestation. Il faut comprendre qu’il ne s’agit que d’un nouvel outil dans le coffre des syndicats.

Mais souvent, une campagne a comme conséquence voulue ou non de remonter le moral des travailleurs sur la ligne de front. Fréquemment, une campagne a eu comme résultat de motiver les hommes et les femmes sur un piquet de grève ou en prison bien plus que de convaincre un gouvernement ou une direction d’entreprise de changer ses pratiques.

Si une campagne aide des grévistes à tenir le coup une journée de plus que la partie adverse, ça peut vouloir dire une victoire à la place d’une défaite.

Le site LabourStart est un portail à la disposition des syndicalistes. Après un an d’existence, il est devenu une base de données. Des individus avec un nom d’utilisateur et un mot de passe peuvent accéder au site et ajouter eux-mêmes des liens.

Le réseau des correspondants bénévoles de LabourStart est né au printemps 1999. Sept ans plus tard, presque 400 correspondants des cinq continents contribuent au réseau. Ces personnes ajoutent à tous les jours en moyenne 250 nouvelles dans la base de données du site.

À l’origine, LabourStart faisait de la publicité aux campagnes en ligne des syndicats sur sa page d’accueil. Mais de plus en plus, des syndicats demandaient de l’aide pour démarrer de telles campagnes internet. La plupart des syndicats n’avaient pas, et n’ont toujours pas, les capacités techniques de développer les logiciels pour faire des campagnes en ligne.

À l’été 2002, LabourStart procède au lancement de son propre système qui permet la création rapide de campagnes en ligne. Pour mettre le nouveau système à l’épreuve, nous avons demandé à la Confédération internationale des syndicats libres s’il y avait une campagne existante qui pourrait bénéficier de notre aide. La CISL nous a confié le cas de dirigeants syndicaux congolais du sucre qui avait été arrêtés.

À ce moment-là, la liste d’envois de LabourStart comptait 3 000 noms et adresses de syndicalistes. Nous n’étions pas certains combien d’entre eux appuieraient cette campagne. Imaginez notre étonnement lorsque notre campagne a généré 3 000 messages au lieu des 300 que nous avions imaginés. Il s’agissait d’un taux de réponse de 100 pour cent. Comment était-ce possible ?

Il est devenu apparent dès le début qu’un message envoyé à 3 000 militants syndicaux de la liste de LabourStart allait permettre de joindre un bien plus grand nombre de personnes. Ces individus ont fait parvenir le message à d’autres listes d’envoi d’activistes des droits de la personne, à d’autres syndicalistes et ainsi de suite.

Au printemps 2003, j’ai moi-même été témoin du même phénomène. La Canadian Association of Labour Media (l’Association canadienne des médias syndicaux) m’a invité à Toronto pour faire une démonstration à un groupe de personnes qui travaillent en communications et qui proviennent de plusieurs syndicats. Nous avons lancé une campagne en ligne qui incluait un envoi à l’aide du système LabourStart. Le lendemain matin, un ami syndicaliste m’a fait voir une demi-douzaine de versions du courriel que j’avais envoyé et qu’il avait reçu par le biais de plusieurs listes auxquelles il était abonné.

Deux autres méthodes ont été développées au tout début par LabourStart.

La première a été l’utilisation sur Google des publicités basées sur des mots-clés. Nous avons adopté cette méthode en mars 2002 avant même la création de notre logiciel. Depuis ce temps, LabourStart a fait paraître 26 500 000 de publicités sur Google pour la somme de 11 000 $. Il s’agit d’un montant insignifiant si on considère que des dizaines de millions de personnes ont vu ces publicités et que près de 250 000 d’entre elles ont visité le site Web de LabourStart.

Lors du lancement d’une campagne en Colombie-Britannique en 2003, nous avons demandé aux syndicalistes canadiens de choisir des mots-clés. Ils ont opté pour « Jeux olympiques d’hiver » au moment même où la province posait sa candidature pour devenir la ville hôte. Nous avons pensé qu’il serait gênant pour le gouvernement de cette province qu’ à chaque fois qu’une personne effectuerait une recherche des mots « Jeux olympiques d’hiver » sur Google, on verrait au haut de la page à la droite des résultats de cette recherche, une petite pub qui dirait : « Province candidate des Jeux coupable : selon une agence de l’ONU, la Colombie-Britannique enfreint les droits des travailleurs. Plus de détails ».

Notre publicité en ligne qui a connu le plus de succès n’était pas en appui à une campagne particulière. En 2002, lorsque les employés du transport en commun de la ville de New York menaçaient de faire la grève et en 2005 lors de leur grève de 3 jours, nous avons lancé une campagne sur Google où on pouvais lire : « Grève des transports en commun à NYC : choisissez votre camp ! Nous appuyons le TWU (Transport Workers Union, le Syndicat des travailleurs du transport) Nous sommes en faveur du droit de grève ». La publicité a été vue plus de 100 000 fois et 3,5% des gens qui l’ont vu se sont informés davantage sur la question en cliquant sur le lien. Le coût exorbitant de cette campagne: 159,32 $ !!!

La deuxième façon innovatrice de répandre la bonne nouvelle de nos campagnes en ligne est par la création de grappe de liens. Comme les sites internet des syndicats peuvent faire fonctionner les liens de nouvelles à partir de notre base de donnés, nous avons également créé un outil qui leur permet de se rendre aux liens de nos cinq dernières campagne en ligne. Un grand nombre de syndicats ont adopté ce fil de presse et, par le fait même, lorsque LabourStart lance une nouvelle campagne en ligne, un lien apparaît 15 minutes plus tard sur le page d’accueil de sites de syndicats partout dans le monde.

Une autre façon que nous avons trouvé d’attirer l’attention sur les campagnes de LabourStart a été de combiner les campagnes et les nouvelles. Ainsi, nous brouillons la distinction entre la lecture d’une violation des droits des travailleurs et l’incitation à agir contre cette violation. Lorsque nous publions une nouvelle sur un sujet qui a rapport avec une de nos campagnes, il y a un lien à côté du titre de l’article qui dit « Agissez maintenant ». En cliquant sur ce lien, vous aboutissez directement sur une page qui parle de cette campagne. Selon le même principe, la page sur laquelle on parle de la campagne abrite aussi un écran où on retrouve les dernières nouvelles relatives à la campagne.

Il n’y a aucune raison de faire tous ces efforts, si les campagnes ne connaissent pas, occasionnellement, du succès. À partir de l’été 2002 jusqu’au début 2006, LabourStart a lancé 65 campagnes. Une importante minorité d’entre elles ont connu un succès retentissant.

D’autres ont été des échecs fulgurants. Parfois, nous savons avant même de lancer la campagne qu’elle va échouer. Mais nous allons de l’avant quand même. Pourquoi ?

Il y a plusieurs années, l’Union internationale des travailleurs en alimentation (UITA/IUF) a demandé à LabourStart de l’aider avec sa campagne internationale pour mettre de la pression sur le dictateur de la Biélorussie, Alexandre Lukashenko, qui s’acharnait à faire disparaître les derniers syndicats indépendants et libres du pays.
Nous avons eu deux semaines pour tenir la campagne car le président Lukashenko allait ravir le contrôle d’un important syndicat et remplacer les dirigeants par ses propres serviteurs.

La campagne n’a pas été un succès. Seules quelques centaines de gens ont envoyé des messages et le dictateur de Minsk est resté au pouvoir. Le syndicat a été écrasé. La tournure des événements ne nous a pas surpris. Après tout, très peu de syndicalistes connaissaient la situation en Biélorussie ce qui rendait la mobilisation sur une grande échelle très difficile.

Néanmoins, la campagne a valu la peine pour une raison : son aspect éducatif. Pour la plupart des gens, ils entendaient parler de la seule dictature d’Europe pour la première fois. La prochaine fois, il sera plus facile de mobiliser.

Eric Lee est le créateur de LabourStart. Ceci est un extrait d’une présentation faite au début 2006 au « Global Companies – Global Unions – Global Research – Global Campaigns » organisé par l’université Cornell à New York.

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