Du 3 au 5 mai dernier, j’ai pris part à la conférence de l’Association canadienne des journalistes (ACJ) à Ottawa. J’y ai appris beaucoup de choses et croisé plusieurs collègues du secteur des médias que je n’avais pas vus depuis un certain temps. Ce fut aussi pour moi une occasion d’entendre des conférenciers intéressants se pencher sur divers sujets d’intérêt pour les journalistes. En voici un aperçu.
De l’avenir des nouvelles
J’ai été particulièrement intéressé par la définition de la « théorie de la perturbation » (« disruption theory ») telle que fournie par David Skok, directeur des produits numériques chez Global News. Ce concept avance que les forces du marché mènent les fournisseurs à surestimer les besoins de leur clientèle, ouvrant ainsi la porte à de nouveaux entrants issus des sphères inférieures du marché. Par exemple, des fournisseurs de contenu en ligne tels le Huffington Post et Buzzfeed répondent aux besoins d’une clientèle submergée par l’abondance de contenu provenant des plateformes médiatiques traditionnelles.
Skok a souligné que des études avaient démontré que très peu d’internautes se rendent directement sur le site de Global pour y consulter les nouvelles. Ce sont plutôt d’autres moteurs de recherche qui se chargent de récupérer ces informations pour les livrer aux consommateurs. Le site Web de Global a fait l’objet d’une refonte afin de faciliter la lecture de son contenu sur les plateformes mobiles. Skok a aussi indiqué que si les outils de mesure de fréquentation sur Internet peuvent certes avoir leur utilité, il demeure important de simplement observer le comportement des internautes. Le directeur de Global a précisé que le personnel oeuvrant sur les produits en ligne et celui attitré aux médias traditionnels travaillaient de façon indépendante au sein de l’entreprise, et que leur approche est donc différente. À titre d’exemple, le personnel du service de la télédiffusion se réunit habituellement le matin et en fin de journée pour discuter des principales nouvelles du jour, alors que le personnel du service Web se consulte plutôt sur une base horaire, approche qui reflète davantage la nature plus accélérée des interactions en ligne.
Mike Mount, vice-président de Metroland News, a pour sa part discuté du rythme considérablement plus rapide propre aux médias sociaux. Il a cité en exemple le cas où les médias en ligne traditionnels n’avaient fourni que très peu de renseignements sur un meurtre qui avait été commis dans la ville de Strittsville, en Ontario, là où il habite. Or, sa jeune fille est parvenue rapidement à assembler les pièces du puzzle et à obtenir ainsi un portrait plus précis de la situation (obtenant même le nom des individus impliqués) en se tournant simplement vers Facebook et Twitter.
Des réseaux sociaux
Mandy Jenkins, de Digital Media First, a insisté sur le fait que toute plateforme médiatique se doit de mettre en place une stratégie axée sur les médias sociaux, afin d’appuyer ses initiatives de mise en marché, de mieux distribuer son contenu, de susciter et maintenir l’intérêt des lecteurs et de monnayer ses produits. Jenkins a souligné l’importance d’établir une marque et un style propre en ligne, en tenant compte des questions suivantes : à quel point cherchons-nous à provoquer les gens ? Quel ton devrait-on privilégier ? Quel est notre public cible ? Quelle est notre positionnement ?
Selon Jenkins, le fil Twitter d’un journaliste ne devrait pas servir qu’à promouvoir ses articles, puisque les gens sur Twitter cherchent d’abord à échanger, à établir un dialogue, et non à y lire des messages à sens unique. Après tout, le terme le dit bien : les médias sociaux ont une vocation… sociale. Il importe, selon elle, de se poser la question suivante : que puis-je offrir à mes lecteurs qu’ils ne pourront obtenir ailleurs ? C’est là qu’entre en jeu la notion de personnalité. Jenkins a indiqué que l’aspect « conversation » s’avère particulièrement efficace pour les journalistes qui couvrent les nouvelles locales. Selon elle, Twitter est un excellent véhicule pour poser des questions et pour répondre; toutefois, on peut aussi y constater de virulentes critiques. Son conseil : attendez-vous à ce genre de chose et tenez-vous au-dessus de la mêlée.
Jenkins a précisé que le fait de lier ensemble notre page Facebook et notre fil Twitter était une erreur, car, alors que Twitter favorise les échanges à un rythme rapide, Facebook est un lieu d’échange plus lent surtout destiné à des connaissances. Aussi, ce site est davantage privé, et on peut y ajouter du contenu plus élaboré.
Cours en journalisme assisté par ordinateur
J’ai participé aux deux séminaires sur le journalisme assisté par ordinateur journalisme informatique, d’une durée d’une journée chacun, qui ont eu lieu à l’Université Carleton. Ces derniers étaient offerts par les journalistes David McKie de la CBC, Glen McGregor du Ottawa Citizen et Fred Vallance-Jones du King’s College à Halifax.
Les séminaires portaient essentiellement sur la recherche de sources de données brutes, le filtrage de ces données, puis leur utilisation afin de créer diverses cartes interactives.
Divers exemples de l’utilisation de cette technologie ont été présentés, dont la série interactive produite par Global TV qui s’est penchée sur les nombreux problèmes du Gardiner Expressway à Toronto, ainsi que l’utilisation par le Kitchener Waterloo Record de données provenant de caméras installées à diverses intersections et démontrant que les accidents étaient plus fréquents à ces endroits.
Les séminaires étaient de nature particulièrement technique, et j’avoue que vers la fin, j’y perdais quelque peu mon latin. Toutefois, l’expérience m’a beaucoup éclairé sur les façons dont cette technologie peut contribuer à produire un contenu de meilleure qualité.
De l’engagement du personnel
Aon Hewitt, l’entreprise à l’origine du sondage sur les meilleurs employeurs au Canada, a proposé un atelier axé sur les façons de stimuler l’engagement du personnel. Neil Crawford a précisé que l’entreprise se livrait à un tel exercice depuis quinze ans déjà, cumulant des données recueillies auprès de plus de 300 compagnies comptant au moins 400 employés. Voici quelques faits saillants observés du côté de l’industrie des médias :
- L’engagement du personnel est très faible en ce qui a trait aux entreprises canadiennes du secteur des médias, qui incluent notamment les domaines des relations publiques et de la publicité.
- Les importants changements qu’a connus le secteur des médias traditionnels ont contribué à ce faible taux d’engagement, une conséquence étant que « les dirigeants ont plus de difficulté à diriger ».
- L’engagement des gestionnaires de l’industrie des médias est particulièrement faible comparativement aux gestionnaires d’autres secteurs d’activité.
- Les niveaux de compensation ont beaucoup moins tendance à influencer l’engagement dans le domaine des médias, comparativement à d’autres industries.
Michael MacDonald est journaliste/rédacteur à la Presse canadienne. Il travaille au bureau de Halifax de l’entreprise.