Le 7 juillet 2020, les membres de la Guilde siégeant au Comité mixte sur l’équité en matière d’emploi, la diversité et l’inclusion ont remis à l’équipe de la haute direction de Radio-Canada/CBC la lettre suivante, les exhortant à prendre des mesures pour démanteler le racisme structurel au sein de la Société. La lettre a été rédigée de façon collaborative par un groupe d’employés Noirs, Autochtones, Personnes de couleur et alliés blancs, et a été signée par 494 employés actuels ou anciens employés de Radio-Canada/CBC.
Si vous êtes d’accord avec le contenu de cette lettre et les appels à l’action qu’elle contient, veuillez ajouter votre nom à la liste des signataires en remplissant le formulaire à la fin de cette page. Nous continuerons de partager cette liste avec la haute direction de Radio-Canada/CBC uniquement.
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Faire face au racisme systémique à Radio-Canada/CBC
Nous vous écrivons en tant qu’employés de Radio-Canada/CBC. Nous comptons parmi nous des Noirs, des Autochtones, des personnes de couleur et des alliés blancs; certains d’entre nous sont des personnes handicapées, certains sont « queer » et d’autres hétérosexuels; certains sont employés permanents et d’autres temporaires. Nous croyons tous en l’importance de notre radiodiffuseur public.
Nous sommes révoltés par les meurtres de Noirs, d’Autochtones et d’autres personnes racisées, par les forces de police du Canada et des États-Unis – meurtres qui résultent de la suprématie blanche structurelle dans notre société. Nous condamnons sans équivoque le racisme anti-Noirs sous toutes ses formes.
Nous sommes profondément préoccupés par la couverture de ces événements par Radio-Canada/CBC ainsi que par sa réaction. Alors que de nombreux employés Noirs, Autochtones et Personnes de couleur sont confrontés à beaucoup de colère, d’angoisse et d’anxiété, la direction n’a pas su se montrer à la hauteur.
Les manquements journalistiques dans la couverture de ce moment historique sont le résultat direct des points de vue et expériences des personnes responsables de la prise des décisions à Radio-Canada/CBC. Le problème réside dans le fait que les rédacteurs blancs rejettent les idées de reportage présentées par les journalistes non-blancs en les qualifiant de « biaisées » ou « sans importance », sous prétexte qu’elles risquent de ne pas intéresser un public blanc. Le problème, ce sont les cadres blancs qui traitent leurs subordonnés qui sont des personnes de couleur comme étant d’office des adversaires, ce qui conduit les personnes de couleur à penser que pour réussir à Radio-Canada/CBC, il leur faut laisser leur humanité à la porte. Le problème, ce sont les innombrables commentaires inacceptables sur les différences d’apparence physique, d’accent et de culture; c’est le fait que les Noirs, Autochtones et Personnes de couleur soient ciblés de façon disproportionnée pour des violations présumées des Normes et pratiques journalistiques (NPJ); et ce sont les NPJ elles-mêmes, qui exigent que les employés adoptent la vision du monde des personnes blanches de la classe moyenne pour pouvoir être considérés comme étant « objectifs ».
Qui plus est, 25 % des travailleurs de Radio-Canada/CBC ont un emploi précaire et, de façon disproportionnée ces travailleurs temporaires sont jeunes et racisés – en d’autres termes, il s’agit des personnes mêmes à qui Radio-Canada/CBC devrait offrir un emploi stable et qu’il lui faudrait promouvoir pour atteindre ses objectifs déclarés de diversité et d’inclusion. Et pourtant, bien trop souvent, des employés de couleur intelligents et talentueux quittent Radio-Canada/CBC par dégoût et frustration après avoir passé des années à faire du « surplace » en attendant d’obtenir la sécurité d’emploi qui se matérialise rarement. Toute tentative d’éliminer le racisme systémique au sein de Radio-Canada/CBC sera vouée à l’échec sans une réforme radicale du système d’emplois temporaires.
Afin de redresser cette situation, il convient de prendre des mesures convaincantes. Nous demandons donc à Radio-Canada/CBC de procéder comme suit :
1. Établir la fonction de médiateur interne, une personne à qui les employés pourront adresser des plaintes anonymes, sans crainte de représailles, au sujet de décisions éditoriales racistes.
2. Veiller à ce que les employés Noirs, Autochtones et Personnes de couleur aient un pouvoir décisionnel à tous les niveaux de la Société, de la rédaction à l’équipe de direction.
3. Réduire la proportion des travailleurs temporaires au sein de l’effectif, de 25 % à 10 % ou moins, en convertissant ces travailleurs en employés permanents.
4. Affecter à chaque service un-e gestionnaire chargé-e du perfectionnement professionnel et du soutien des employés temporaires.
5. Nous nous réjouissons que Radio-Canada/CBC ait déjà annoncé la révision des NPJ et nous invitons la Société à envisager les réformes suivantes :
– Cesser d’accorder plus de foi aux sources policières qu’aux personnes interpellées par la police.
– Mettre à jour la politique de Radio-Canada/CBC en matière de médias sociaux pour permettre aux employés de parler librement de leur identité et de leurs expériences.
– Ne pas sanctionner les employés qui défendent publiquement leur humanité ou celle d’autrui. De même qu’on ne doit jamais dire à un.e employé.e LGBTQ qu’il.elle ne peut pas assister au défilé de la Fierté, on ne devrait jamais dire à un.e employé.e Noir.e qu’il.elle ne peut pas se prononcer publiquement en faveur de Black Lives Matter et on ne devrait jamais dire à un.e employé.e Autochtone qu’il.elle ne peut pas assister à un rassemblement concernant les femmes et les filles Autochtones disparues et assassinées (FFADA).
Nous vous invitons à prendre ces préoccupations au sérieux, et vous demandons de répondre à ces demandes lors d’une réunion de tout le personnel, afin que tous les employés soient informés.
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