Le CWA Canada a commandité cet article pour souligner et célébrer la Journée nationale des peuples autochtones, qui coïncide avec le solstice d’été, une journée qui revêt une importance culturelle dans de nombreuses cultures autochtones.
Par Carol Rose GoldenEagle
HIRAETH (n.) – mal du pays ressenti à l’égard d’un foyer dans lequel vous ne pouvez pas retourner [gallois]
Je me souviens que quelqu’un a demandé une fois : si vous pouviez remonter dans le temps, à quelle époque retourneriez-vous?
La réponse est facile pour moi.
J’ai la chance d’avoir trois enfants, qui sont maintenant adultes et ont environ 25 ans. Mais de l’époque où ils étaient bébés jusqu’à leur adolescence, notre routine du soir a été la même.
Je leur lisais un livre.
Chacun de mes enfants blottis près de moi pour voir les illustrations, et désireux d’entendre les mots. Je crois vraiment que c’est grâce à mes lectures quotidiennes qu’ils sont tous aujourd’hui des lecteurs assidus. Tous trois s’épanouissent désormais dans leurs études postsecondaires. En tant que famille, nous nous en sommes bien tirés.
Voilà pourquoi nous étions tous sous le choc lorsque nous avons appris la nouvelle à propos d’un cimetière non marqué où reposaient les dépouilles de 215 enfants sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops.
Une chose pareille m’aurait anéantie.
Premièrement, d’avoir des enfants saisis. Deuxièmement, de ne plus jamais les revoir, et sans qu’on me dise ce qui s’est passé.
Les nouvelles de Kamloops nous ont brisé le cœur, mais elles m’ont aussi donné à réfléchir à la gratitude que je ressens.
J’ai élevé mes enfants. Mais je me souviens très bien d’un jour où cela a été menacé.
Lorsque je me suis retrouvée enceinte de mon premier fils, Jackson, en 1995, j’étais célibataire. C’était un moment de joie pour moi, tandis que je lui promettais de prendre soin de lui, de lui enseigner des choses, et de faire tout à l’opposé de ce qu’on m’a donné quand j’étais enfant.
Lorsque j’étais enfant, je vivais dans une famille d’accueil, et j’étais laissée à moi-même. Tous les jours à l’école, il y avait des injures, du racisme et des enfants qui voulaient toujours me frapper.
Je suis une enfant de la rafle des années 60. Des milliers d’enfants autochtones ont été retirés de nos foyers, de notre famille, de notre culture et de notre langue.
Quand je suis née, on appelait cela la rafle. Mais il est clair pour moi que cette pratique existe encore aujourd’hui.
Le système rôde toujours.
Je le sais, parce que cela a failli m’arriver, je le crains. Lorsque mon fils est né, j’étais célibataire. Je suis autochtone. Le système estimait que ces facteurs étaient des facteurs de risque élevé. Je dis cela parce qu’un mois après la naissance de mon Jackson, deux travailleurs sociaux se sont présentés à l’endroit où je vivais.
Ils ont qualifié la visite de « routine », expliquant que « tous les nouveaux parents » recevaient ce type de visite. Je me suis renseignée autour de moi et j’ai découvert que ce n’était pas vrai. Ce ne sont pas « tous » les nouveaux parents qui voient des étrangers munis de planchettes à pince entrer dans leur logement pour vérifier le garde-manger et le réfrigérateur, pour vérifier les conditions de couchage.
J’avais l’impression qu’on m’interrogeait.
Mais comme je l’ai dit, j’ai eu de la chance.
À l’époque, je vivais avec une amie chère, Bev Jackson, qui m’avait dit : « Viens et reste jusqu’à ce que tu trouves une solution. » Sa maison était emplie d’amour. Son cœur encore plus.
Je n’avais pas de famille.
Lorsque mon fils Jackson est né, il n’y a pas eu de célébration, sauf pour Bev, qui a accepté mon enfant comme son propre filleul. Bev est une personne qui aime avec son âme.
Elle s’était absentée lorsque les travailleurs sociaux sont arrivés. Mais tout ce qu’ils ont trouvé dans cette maison, c’était la paix, la stabilité et une quantité abondante de lait maternisé pour mon Jackson. Le quartier dans lequel nous vivions était sûr et la maison d’où j’allais refaire ma vie en tant que mère était grandiose.
Bev n’est pas autochtone. Nous ne sommes pas liées par le sang, mais nos cordes sensibles vibrent très fort l’une pour l’autre. Elle est au nombre de ces belles âmes qui ont offert de l’aide dans les moments difficiles.
Ces travailleurs sociaux ne m’ont pas pris mon bébé ce jour-là. Je remercie mon amie Bev pour cela. C’est l’amour qui a sauvé la mise et qui m’a sauvé la vie. Les travailleurs sociaux sont partis, car je leur avais présenté un environnement sécuritaire.
Je ne me permettrai jamais de penser à ce qui aurait pu se passer si mon amie Bev ne nous avait pas ouvert sa maison, à cette époque lointaine.
Je ne peux imaginer l’angoisse de ces parents qui se sont fait voler leurs enfants et qui les ont vus être enlevés et envoyés dans les pensionnats ou enlevés dans le cadre de la rafle des années 60.
Génocide. Appelons un chat un chat.
J’écoutais CBC Radio lorsque j’ai appris la nouvelle de la découverte à Kamloops. J’ai passé la journée à pleurer.
Surtout parce que je sais qu’il y a encore des familles autochtones, même aujourd’hui, dont les enfants sont encore saisis.
Ce serait une politique tacite, mais je crains que le fait d’être célibataire et autochtone demeure la raison pour laquelle des travailleurs sociaux munis de planchettes à pince se présentent, pour « vérifier » une nouvelle mère.
C’est justement cette raison qui m’a déconnectée de mes racines cries, dans le nord de la Saskatchewan. Ma mère biologique n’était pas mariée; alors le système m’a retirée, la qualifiant d’inapte en raison de son célibat.
Elle était infirmière autorisée. Je ne l’ai jamais rencontrée, mais j’ai une photo d’elle dans ma salle de rédaction. Je n’ai rencontré ma famille crie que lorsque j’avais la trentaine. C’est à ce moment-là que le gouvernement de la Saskatchewan a ouvert les dossiers d’adoption. Les personnes qui connaissaient ma mère avant sa mort disent qu’elle ne s’est jamais remise de m’avoir vue retirée. Elles m’ont dit que, parfois, elle éclatait en sanglots sans raison apparente.
Mais maintenant que j’ai mes propres enfants, je sais pourquoi elle pleurait.
Elle m’a porté pendant neuf mois, mais après ces premiers instants, après ma naissance, elle ne m’a plus revue.
Certains cœurs ne guérissent jamais.
Comme ceux des familles des 215 enfants.
Je verse des larmes de tristesse à cause de ce qu’ils ont vécu. Je prie pour que d’une certaine façon, ils trouvent la paix.
Mais chaque jour, je verse aussi des larmes de gratitude. J’ai élevé mes trois enfants. Pour cela, je dis au Créateur :
hiy, hiy. Merci.