FELESHIA CHANDLER | Pour SCA Canada
Avec l’arrivée du Mois de l’histoire des Noirs, il ne fait aucun doute que plusieurs organisations, plusieurs établissements d’enseignement et même plusieurs salles de rédaction de partout au pays mettront en relief des personnalités marquantes de la communauté noire et feront de leur mieux pour que la voix de ces personnes soit entendue. Mais qu’en est-il du reste de l’année ?
Les journalistes rapportent les nouvelles, qu’elles soient bonnes, mauvaises, ou quelque part entre les deux. Plusieurs proviennent de communautés minoritaires, ce qui leur permet d’apporter un point de vue unique sur les nouvelles. Mais dans ce cas, pourquoi les salles de rédaction canadiennes sont-elles encore majoritairement blanches?
Selon la plus récente étude (en anglais) effectuée par l’Association canadienne des journalistes (ACJ), en date de l’année dernière, la majorité des salles de rédaction du Canada rassemblaient principalement des journalistes de race blanche.
Je crois que lorsque vous êtes une personne noire, et surtout lorsque vous commencez vos études puis votre carrière, vous vous habituez à voir plus de visages blancs que de visages de couleur, peu importe dans quelle pièce vous vous trouvez.
Dans mon premier emploi comme journaliste, pour un journal d’Halifax, il y avait seulement deux personnes de couleur : moi et un autre stagiaire.
Ce qui, je le répète, semblait tout à fait normal à mes yeux.
Comme deuxième emploi dans une salle de rédaction, j’ai eu la chance d’obtenir une bourse de journalisme et ainsi, de faire un stage au sein du plus gros média d’information au Canada, soit CBC/Radio-Canada.
Lorsque j’ai commencé à travailler pour le bureau d’Halifax, plusieurs des 50 employés de la salle de rédaction étaient en train d’effectuer une transition vers le télétravail en raison de la pandémie de COVID-19, mais j’ai tout de même pu rencontrer des membres chevronnés du personnel qui travaillent pour la radio, la télévision et le Web.
Cette bourse m’a ensuite permis de me joindre à l’équipe d’Halifax en tant qu’employée temporaire. Mais cette équipe est principalement blanche. Il y a seulement six personnes de couleur dans la salle de nouvelles, y compris moi-même, et seulement une autre d’entre elles est noire.
Lorsqu’on m’a engagée comme employée temporaire, je me suis immédiatement posé la question : est-ce qu’on m’a embauchée simplement pour atteindre un quota ?
J’ai réfléchi longuement à cette question. J’ai même failli refuser le poste occasionnel qu’on m’avait offert. Mais au final, j’ai décidé de foncer.
Je travaille pour CBC Halifax depuis un an maintenant, et la situation des journalistes noirs n’a pas vraiment changé.
Mais pourquoi ? Pourquoi n’y a-t-il pas plus de journalistes de couleur ?
J’ai une théorie. Dans ma jeunesse, devenir écrivaine ne m’a jamais semblé être une option. Cela s’explique peut-être par le fait que je n’ai jamais été exposée à des écrivains ou artistes noirs.
Bien sûr, je connaissais plusieurs rappeurs, chanteurs de R&B et autres icônes de la culture populaire noire. Mais lorsqu’il était question d’écrivaines à succès, telles qu’Anne Rice ou J.K. Rowling, il s’agissait toujours de femmes blanches, et la plupart de leurs personnages étaient eux aussi blancs.
Je ne me reconnaissais pas dans ces formes d’art. Pendant longtemps, j’ai cru que la célébrité était la clé de la réussite, que mon nom devait apparaître sur une enseigne lumineuse pour être reconnue, que je devais posséder ma propre collection de vêtements ou être coiffeuse pour les vedettes, car c’était ce type de personnes noires qui étaient mes idoles et à qui je rêvais de ressembler.
Je réalise maintenant que les personnes noires ne forment pas un bloc uniforme. Nous pouvons faire plus que jouer au basketball ou être reconnus pour nos talents musicaux. Nous pouvons être – et nous sommes – des auteurs, des universitaires, des professeurs, des enseignants.
Le monde évolue et les talents des personnes de couleur sont de plus en plus reconnus. Mais lorsqu’il est question des salles de rédaction, l’étude de l’ACJ démontre clairement qu’il y a encore du travail à faire.
Je ne jette pas le blâme entièrement sur les médias d’information individuels, mais je les encourage à recruter davantage de personnes de couleur, que ce soit par l’entremise de salons de l’emploi ou d’infolettres. De plus, je les encourage tout spécialement à collaborer davantage avec les membres et les écrivains de la communauté noire, et ce, tout au long de l’année plutôt que seulement en février.
Nous existons. Nous avons toujours existé, et nous sommes capables de faire plus que remplir un quota de minorités visibles.
Voilà matière à réflexion pour ce Mois de l’histoire des Noirs.
(Feleshia Chandler est une journaliste basée à Halifax. Elle adore aider les gens à raconter leur histoire et s’intéresse aux enjeux entourant les communautés LGBTQ+, noire, autochtones et de couleur. Elle est membre de la section locale 30213 de SCA Canada, la Guilde canadienne des médias.)