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Il est possible de contester une décision de l’assurance-emploi et de gagner sa cause

Mon épouse a été diagnostiquée d’un cancer du sein. Sa maladie a exigé des traitements de chimiothérapie, une chirurgie et de la radiation alors qu’elle s’occupait à temps plein de notre fils âgé de 11 mois. Elle était à ce moment en congé de maternité et elle a fait une demande pour un congé de maladie de 15 semaines. Sa demande a été rejetée.

C’est ainsi qu’a débuté une bataille imprévue contre l’assurance-emploi. Un an et demi plus tard, la victoire juridique de ma conjointe pourrait permettre à 3 000 personnes par année, voire à 4 000, de recevoir des prestations de congé de maladie de l’AE qui avaient été injustement rejetés. Ça représente 4 000$ à 6 000$ pour une famille qui doit traverser une telle épreuve.

Malheureusement, le cas de mon épouse a requis une combinaison parfaite d’habiletés (un époux journaliste), de chance (convaincre un avocat spécialisé de prendre cette cause pro bono) et d’argent afin de contester la décision. Ça augure mal pour d’autres qui ont un motif valable de contester mais qui n’ont pas les habiletés et/ou les ressources financières pour le faire.

Cette expérience est une des raisons pour laquelle je me suis joins à l’exécutif de la sous-section de la GCM à TVO. Je crois que les syndicats ont un rôle à jouer lorsque vient le temps de faire respecter les règles car ce respect est un des fondements de notre société.

L’histoire
Un premier appel pour faire une demande de congé de maladie laissait présager que mon épouse serait admissible. Vous pouvez imaginer notre étonnement lorsque nous avons reçu une lettre de refus nous disant que Natalya n’était pas admissible car elle ne pouvait pas prouver qu’elle était « d’autre part disponible à travailler ». J’étais estomaqué. Alors, en bon journaliste que je suis, j’ai commencé à fouiller le dossier. Le site Web de l’assurance-emploi semblait dire que Natalya était admissible sur la base d’un changement à la loi qui date de 2002.

Mais il est devenu apparent qu’une personne en congé parental n’est pas admissible même si elle a des preuves qu’elle doit retourner au travail si elle n’était pas malade. Inutile de dire que nous étions ahuris et, à vrai dire, que toute cette situation était moralement inacceptable. Nous avons donc fait appel de cette décision au moment même où mon épouse recevait ses traitements de chimiothérapie. À un moment donné, je me suis questionné à savoir si cette contestation valait la peine étant donné les circonstances mais, à ce moment, nous étions sous l’effet de l’adrénaline.

Les médias
J’ai contacté la journaliste du Toronto Star, Heather Mallick, avant que notre premier appel soit entendu. J’ai eu recours à mon expérience de réalisateur en télévision pour raconter une histoire convaincante : une jeune mère lutte contre le cancer et l’assurance-emploi. Heather a fait suivre mon courriel à ses superviseurs et le quotidien a décidé à la dernière minute d’affecter Theresa Boyle à la couverture de l’audience du comité d’appel.

Nous avons perdu notre cause. Le comité d’appel a examiné 17 décisions rendues dans des causes semblables où l’AE avait gagné et a rendu une autre décision dans le même sens. Nous ne sommes pas arrivés à répondre au critère « d’autre part disponible à travailler » étant donné qu’il était impossible de devenir admissible lors d’un congé de maternité. Ensuite, le Star a publié un article intitulé « Nouvelle maman atteinte d’un cancer ne peut bénéficier d’un congé de maladie de l’assurance-emploi ». Cet article a été un des plus lus sur le site Web du quotidien. Les lecteurs étaient outrés.

De la chance et de la compétence
L’entrée en scène de l’avocat spécialisé en droit du travail, Stephen Moreau, qui pratique aussi en français, est devenue le point tournant de cette histoire. Lors d’un vol entre Ottawa et Toronto, Me Moreau était assis à côté de notre députée fédérale, Carolyn Bennett. Nous avions écrit un courriel quelques mois auparavant à la députée de St-Paul’s. Elle a parlé de notre situation à l’avocat et, en un clin d’œil, elle a demandé de rencontrer mon épouse pour lui annoncer qu’un avocat voulait défendre bénévolement sa cause. C’est grâce au travail non rémunéré de cet avocat que notre cause n’a pas échoué. Il aurait été irresponsable d’avoir recours à notre propre argent pour mener cette bataille étant donné le peu chance que nous avions de gagner.

Après avoir examiner notre dossier, Stephen sentait que nous avions une bonne cause. Il a offert de travailler gratuitement si nous étions d’accord pour défrayer les frais accessoires, comme les demandes d’accès à l’information (qui, en passant, ont coûté environ 1 000$). Il appert que les changements à la loi de 2002 ont été apportés pour permettre aux gens en congé parental d’avoir accès à un congé de maladie.

Au printemps 2011, le jour de notre comparution, j’ai tout de suite compris pourquoi Stephen était un des meilleurs avocats en matière d’assurance-emploi. Il se sert de la loi pour promouvoir avec passion la justice sociale. Un talentueux stagiaire en droit du nom de Benjamin Rossiter assistait Me Moreau. Benjamin avait déjà été un adjoint parlementaire. Les deux avaient méticuleusement fouillé des documents du Cabinet, de débats parlementaires et des transcriptions officielles de comités en lien avec les changements législatifs de 2002. Stephen a ensuite présenté de façon méthodique des arguments légaux pour contrer les 17 décisions qui avaient été rendues précédemment. Il faisait penser à Tom Cruise dans le film « Des hommes d’honneur », mais sans l’aspect dramatique.

La victoire
Nous avons gagné notre cause et on estime que 3 000 à 4 000 personnes vont en bénéficier par année, particulièrement des femmes.

Ensuite, à notre grande surprise, un porte-parole de la ministre des Ressources humaines, Diane Finlay, a déclaré au Toronto Star que le gouvernement fédéral n’irait pas en appel. Nous espérons toujours que les changements seront apportés rapidement.

Le mot de la fin
En principe, la loi sur l’assurance-emploi est une bonne loi mais elle a des failles. En tant que leaders communautaires et membres de groupes influents, comme les syndicats, il nous incombe d’appuyer ceux qui entament des luttes qui, un jour, vont nous bénéficier à tous.

Stephen Moreau et la firme Cavalluzzo, Hayes, Shilton McIntyre & Cornish où il travaille, et qui s’adonne aussi à représenter la Guilde canadienne des médias, examinent la possibilité d’un recours pour obtenir toutes les prestations de congé de maladie qui ont été refusées depuis le changement à la loi en 2002. Si vous ou votre conjoint(e) étiez en congé parental et que vous êtes tombés malade, je vous assure que Stephen aimerait entendre parler de votre histoire. N’hésitez pas à contacter Stephen Moreau, qui parle aussi le français, au smoreau@cavalluzzo.com.

Stavros Rougas est vice-président de l’exécutif de la Guilde à TVO et il est réalisateur télé.

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