Cela fait un bout de temps que je travaille à VICE Canada, et j’ai vu cette entreprise progresser à pas de géant. La qualité et la pertinence de notre production éditoriale sont sans égales au Canada et qui plus est, on vient de lancer une chaîne de télévision. Il n’y a pas à dire : c’est vraiment super de travailler ici.
Et je suis d’avis qu’on a besoin d’un syndicat.
Il y a certaines choses dont on ne parle pas au bureau – l’argent, entre autres. Alors, je vais mettre cartes sur table : je gagne moins de 40 000 $ par an, même avec l’augmentation que j’ai reçue après ma première année de travail. Or, j’habite dans une des villes les plus chères du Canada. Ce n’est pas facile. Même si je reçois 10 % d’augmentation après ma deuxième année à VICE, je gagnerai toujours moins qu’un employé syndiqué qui débute dans les bureaux des États-Unis, puisqu’ils garantissent un salaire de départ de 45 000 $ pour tous les employés de la rédaction.
Je sais que je ne suis pas le-la seul-e dans cette situation. Je sais aussi que la question des salaires n’est pas prioritaire pour tout le monde. Il y a des gens qui voudraient plus de vacances ou de meilleurs avantages sociaux. D’autres voudraient simplement être mieux protégés en cas d’imposition de mesures disciplinaires par la direction. Les employés parlent de ces questions quand aucun responsable ne les écoute.
Le fait est que nous ne sommes pas une entreprise en démarrage. Ce n’est plus le cas : nous sommes aujourd’hui une entreprise qui est évaluée à plusieurs milliards de dollars et qui attire des investissements qui se chiffrent à des millions de dollars. Et par ailleurs, nous ne sommes plus tous dans la vingtaine. Il y a des gens qui essaient d’élever des enfants ici. Et le fait est que c’est nous qui faisons de l’entreprise ce qu’elle est. Notre travail, nos reportages, notre temps, ce que nous donnons de nous-mêmes – c’est ça qui fait la force de VICE.
Il y a là une contradiction. D’un côté, VICE nous encourage à suivre notre intuition : on a la liberté de pourchasser les reportages qu’on veut et de les traiter de la façon qu’on veut. Et si nos amis qui travaillent dans d’autres publications médiatiques de Toronto peuvent se se féliciter de gagner plus d’argent ou d’avoir de meilleurs avantages sociaux, nous, nous avons quelque chose qui leur manque : la liberté – la liberté individuelle; la liberté institutionnelle. Nous nous aventurons dans des voies carrément impensables pour les autres.
Mais alors que VICE profite du talent de ses employés, de leurs aptitudes et de leur sixième sens, nous n’en sommes pas souvent récompensés financièrement. Ce n’est pas être bassement matérialiste que de vouloir être rétribué à sa juste valeur : c’est une simple exigence de la vie.
Alors, que ferait un syndicat pour remédier à cette situation ? Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé dans d’autres entreprises de médias numériques qui ont conclu une convention collective. Aux États-Unis, les employés qui débutent à VICE sont payés 45 000 $ par an, avec une garantie d’augmentation de 29 % sur trois ans. Et à Gawker, c’est encore mieux, puisque le salaire de départ est de 50 000 $. Sans compter que c’est en dollars américains…
Un syndicat, c’est simplement un groupe d’employés qui font front commun. Ni plus ni moins. C’est un moyen pour les gens de faire valoir leurs intérêts de façon recevable. Malheureusement, les priorités de la direction (œuvrer pour le bien de l’entreprise) et celles des employés (payer leur loyer) ne concordent pas toujours. Avec un syndicat, ces intérêts peuvent être représentés à une table de négociation dans le cadre d’une discussion respectueuse et productive sur la façon d’améliorer les choses, et déboucher sur des moyens concrets de faire avancer les intérêts des deux parties.
J’adore travailler à VICE, et ce n’est pas juste parce que je me sens productif-ve et que le travail est satisfaisant. Je me sens inspiré-e. J’ai la possibilité de faire ce qui me tient à cœur et ça, je vous jure, c’est quelque chose de précieux dans ce monde. Alors, pourquoi est-ce que je veux un syndicat ?
Parce que je veux pouvoir continuer à faire ce que je fais pendant très très longtemps.
Un-e employé-e de VICE Canada