Samedi 19 mai. Le téléphone sonne au bureau. À l’autre bout du combiné un homme, visiblement fâché contre la couverture du conflit étudiant qui a depuis franchi le cap des 100 jours au Québec.
Au coeur d’un débat où l’émotivité domine, ceux qui tentent de garder la tête froide n’ont que bien peu d’espace.
D’une part, un mouvement qui puise ses racines dans la hausse des droits de scolarité et qui englobe au fil des semaines une critique sociale plus large mobilisant les forces vives de la société civile. De l’autre, le gouvernement avec qui les associations étudiantes maintiennent le bras de fer.
Entre les deux fronts, les journalistes régulièrement pris à partie. À plusieurs reprises les journalistes sur le terrain ont été bousculés, invectivés, entourés. Un collègue a subi un assaut avec pour cible son matériel. Un autre, lors d’une couverture au Palais de justice de Montréal, s’est fait uriner dessus.
Devant ces gestes d’intimidation de la presse, la Fédération des journalistes du Québec a lancé un appel au calme et au respect de la liberté de presse, rempart de la démocratie. Pour le président Brian Myles, dans tout régime autoritaire et répressif, la première chose qui flanche est la liberté de presse.
Timidement, le Conseil de presse du Québec a lui aussi réclamé un peu de tempérance.
Un passage a toutefois fait sourciller plusieurs journalistes sur le terrain.
«Que certains journalistes aient péché par excès de zèle ou non, rien n’excuse les gestes d’intimidation et de violence dont nous avons été témoin qui briment la liberté d’expression, le droit à l’information et la liberté de presse », a avancé le président du Conseil de prese John Gomery.
Cette notion de zèle a déplu à tous ceux qui foulent régulièrement le terrain. De jour comme de nuit pour suivre les manifestations ou les débats à l’Assemblée nationale.
Il ne peut y avoir aucun compromis lorsqu’il est question de liberté de presse. Il en va du fondement de la démocratie.
Et cette question du zèle est tout aussi difficile à concevoir en recevant cet appel, samedi le 19 mai. L’homme hurlait dans le combiné. Ses mots ne laissaient place à aucune interprétation:
«Tous les médias rapportent la même chose. Si je vous vois, vous, sur le terrain, je vais vous tuer».
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Lise Millette est journaliste à La Presse Canadienne et membre de la Guilde canadienne des médias