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Journalistes ou soldats?

La concurrence exacerbée dans le cercle médiatique a créé son lot d’effets pervers au fil des ans. D’abord dans la manière de produire l’information (toujours plus rapidement et en combinant toutes les plate-formes), mais aussi en termes de coûts.

Les entreprises ont vu fondre leurs marges bénéficiaires avec le départ de certains annonceurs, des diminutions d’abonnements et des pertes de clients. Les gestionnaires  cherchent à refiler en partie la facture aux travailleurs de l’information en sabrant dans les conditions de travail lors du renouvellement des conventions collectives.

On le voit avec les récentes demandes dans les négociations de La Presse Canadienne, on l’a vu aussi précédemment chez Gesca, mais aussi chez Quebecor et ailleurs.

Pertes d’emplois, recul de certains avantages sociaux (vacances, assurances, fonds de pension), augmentation du nombre d’heures travaillées, diminution des conditions de travail pour les surnuméraires et j’en passe.

Des sentiments de précarité et de vulnérabilité ont suivi et consciemment ou non, l’objectif n’est plus tant de faire son travail, que tout faire pour éviter de le perdre.

La concurrence n’est donc plus que le lot des patrons, mais aussi des journalistes eux-mêmes, qui vont parfois jusqu’à défendre aveuglément leur bannière, quitte à tirer à boulets rouges sur les entreprises concurrentes. On en oublie presque la raison d’être de nos médias : le droit du public à l’information.

Cette façon de faire entretient des rivalités, entraîne des pertes de temps et ne rapporte que bien peu au final. Défendre une bannière ne paie pas plus cher, n’est pas une garantie d’emploi et divise une profession qui collaborait davantage autrefois.

La solidarité professionnelle s’est perdue au profit de ces luttes corporatistes, avec au front : des journalistes. L’issue fait en sorte que la profession s’est fragilisée et nous sommes collectivement responsables, dans une certaine mesure, des reculs des dernières années.

Les patrons ont compris que l’insécurité pouvait rendre fidèles bien des employés et ils ont capitalisé là-dessus. À l’autre bout du spectre, comme journalistes, il importe de comprendre que la profession ne sera pas sauvée par des luttes individuelles pour sauver sa propre petite assiette fiscale.

Journalistes ou soldats?

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Lise Millette, journaliste à La Presse Canadienne et membre de la Guilde canadienne des médias.

 

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