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La Guilde célèbre le Mois de l’histoire des Noirs

Dans le cadre de la célébration des réalisations et des contributions des Canadiens Noirs à la vigueur de la culture canadienne, j’aimerais présenter cet article écrit par Fonna Seidu au sujet des défis touchant les jeunes travailleurs des médias dans la culture précaire du travail à la pige. Elle parle avec ses collègues Kim Katrin Milan et Kamilah Apong de la joie d’être son propre patron mais aussi des frustrations de l’instabilité des revenus lorsque l’on travaille à la pige. L’article est un aperçu de la réalité à laquelle font face de jeunes travailleurs Noirs au tout début de leurs carrières en voie de devenir des travailleurs chevronnés qui racontent des histoires touchant tous les aspects de la vie canadienne. À travers ces travailleurs nous retrouvons ce que nous avons en commun dans les médias ce qui renforce notre sens de la solidarité et notre fierté pour le travail  que nous faisons.
– Terri Monture, Conseillère syndicale, La Guilde

CE QU’IL IMPORTE DE SAVOIR POUR SURVIVRE EN TANT QUE TRAVAILLEUSE NOIRE INDÉPENDANTE APPARTENNANT À LA COMMUNAUTÉ LGBTQ

« … Et même dans les pires journées, le travail indépendant a ses avantages. Même quand on mange des ramens chez soi en petite culotte et qu’on se dit « Je n’ai aucune idée comment je vais faire pour payer mes tickets de bus la semaine prochaine » … [Être travailleuse indépendante] c’est quand même mieux que d’être dans un bureau avec des gens pour qui je n’ai  aucun respect et qui me traitent de haut, dans un endroit où j’ai l’impression que mes idées n’ont aucune valeur », dit Kim Katrin Milan.

Par Fonna Seidu

Peut-être que vous vous êtes lancée dans un travail indépendant quand vous avez quitté votre travail, comme l’a fait Kamilah peu après son 23e anniversaire, ou peut-être que vous vous êtes retrouvée travailleuse indépendante par un concours de circonstances, comme moi. En tant que travailleuses indépendantes, nous avons toutes commencé quelque part et nous nous efforçons toutes de suivre notre inclination en courant sans cesse après le prochain travail. Il peut s’agir d’un travail à contrat, d’un unique engagement ou d’un à côté qu’on saisit au vol – le travail indépendant, ce n’est pas pour les petites natures. Alors, quand on ajoute à ce cocktail explosif… les barrières de l’oppression institutionnalisée, vous imaginez le résultat. J’ai voulu connaître le point de vue de deux femmes noires allosexuelles sur le travail indépendant – l’une d’entre elles en est à ses débuts, et l’autre compte plus de dix ans d’expérience à son actif.

Kamila Apong - unbuttonedmusic.com
Kamila Apong – unbuttonedmusic.com
Kim Katrin Milan - kimkatrinmilan.com
Kim Katrin Milan – kimkatrinmilan.com

 

Regardez l’interview complète de  50 minutes (en anglais) :

*Remarque : Les deux personnes présentées sont Noires et âgées de moins de 35 ans, et elles sont travailleuses indépendantes.

Question : À quelle « étape » ou dans quelle partie du spectre du travail indépendant est-ce que vous vous situeriez ?

Kim – À mon avis, quelqu’un qui travaille dans le domaine de l’équité et des droits humains… ce n’est pas nécessairement un travail très en demande, alors je ne sais pas si on arrive jamais au point où les gens vont s’exclamer : « Vous tombez bien ! J’ai toujours voulu savoir comment faire pour combattre mon comportement despotique » . Donc, la demande de services dépend du climat politique et culturel du moment.

Kamilah – J’imagine que ça fait longtemps que je fais ce genre de travail… mais je dirais que je suis juste en train de percer. Je ne dirais pas que je débute parce que … c’est quelque chose que je fais depuis un certain temps, mais avant je n’étais pas payée pour ça ou alors, j’avais des conversations, comme ça, et puis je me rendais compte que les gens me prenaient mes idées ou qu’ils faisaient les choses dont je leur avais parlé. Donc, en pratique, c’est une chose que je fais depuis un certain temps, mais qui n’était pas reconnue en tant que telle.

« S’agissant de travail indépendant, je pense aussi aux femmes qui font de la garde d’enfants de façon indépendante, aux femmes qui font des ménages, qui donnent des services d’entretien de façon indépendante, qui nettoient des appartements,  des maisons, tout ça. On ne considère pas ça comme du travail indépendant… Il y aurait beaucoup à dire sur le terme de « travailleuse indépendante » et sur qui peut revendiquer ce titre. » – Kim Milan

Kim – J’ai travaillé avec beaucoup de jeunes sur l’entreprenariat social, et une chose dont nous avons parlé c’est que quand on est jeune et qu’on grandit dans son quartier, si on fait des choses bénévolement, qu’on s’occupe d’enfants et d’autres choses comme ça, ce n’est pas considéré comme du travail bénévole. Mais si un jeune Blanc qui va à l’université vient et qu’il fait moins de travail que ce qu’on faisait nous, il obtiendra un crédit pour ça… Et comme le travail des Blancs est davantage valorisé, il en résulte que les Blancs se considèrent plus vite comme des travailleurs indépendants et qu’ils arrivent à se faire payer plus tôt parce qu’ils ont davantage conscience de la valeur de leur travail.

Question : À l’heure actuelle, la situation du travail est complètement chamboulée : des travailleurs migrants de couleur, une explosion de diplômés des collèges et des universités qui font des jobs de misère pour rembourser leurs prêts (avec pour unique motivation de vivre « le rêve américain »), des tas de jeunes Noirs sans emploi et plein d’autres choses. En quoi votre travail de pigiste – votre « art » – permet-il d’opérer un déconditionnement au sein des systèmes et des institutions et d’œuvrer dans des contextes de « décolonisation » ?

Kim – On dit que les outils du maître ne peuvent pas servir à détruire sa maison, mais je dirais qu’entre mes mains, les outils du maître ne sont plus les outils du maître. On n’est pas condamnés à répéter les mêmes fautes que nos ancêtres ont commises quand ils ont bâti ce système. Une des meilleures choses qu’on puisse faire est de dénoncer les formes d’âgisme qui ont cours. Je veux dire… J’ai entendu des adultes m’expliquer en long, en large et en travers combien la jeune génération est dépolitisée, alors qu’en fait c’est plutôt le contraire. La jeune génération est bien résolue à lutter pour changer le monde et faire en sorte de laisser un monde meilleur que celui que nous avons trouvé.

« Il y a aussi le fait que le Canada est un pays où une grande quantité des fruits et légumes que nous consommons sont cultivés par des travailleurs migrants qui n’ont aucun statut, qu’on parque dans des espaces clos, coupés du reste du pays, et qui n’ont même pas les moyens de manger les produits qu’ils cultivent pour nous. Même les gens qui parlent de l’idée d’être végétalien… je leur dis : “ C’est très bien que vous soyez végétaliens et que vous vous souciiez des animaux, mais est-ce que vous vous souciez aussi du sort des travailleurs migrants? ” » – Kim

Kamilah – [Les jeunes de couleur] n’ont pas vraiment le temps de se dire « pensons un peu à nous », peut-être pas avant d’être un peu plus vieux. Je remarque qu’il y a des tas de retraites de type introspectif et je me dis que c’est vraiment important pour les jeunes de couleur d’avoir ça quand ils sont jeunes… J’aurais bien voulu avoir quelqu’un à qui parler d’introspection, d’amour de soi et d’image positive de soi. C’est pourquoi mon expérience de pigiste est axée là-dessus, et sur le travail auprès des jeunes.

Question : Quand on essaie d’obtenir un engagement, qu’on l’obtient, qu’on confirme la réservation ou après qu’on a donné la prestation, il arrive qu’on se heurte à des obstacles. Pourriez-vous parler d’une expérience où quelqu’un a annulé votre engagement ou vous a sous-payées en raison de votre double identité ?

« Je me suis faite agresser et en plus, j’étais sous-payée et personne ne voulait rien faire à ce sujet, alors on m’a sacrée à la porte au lieu de renvoyer la personne qui m’avait agressée. Et je me rends compte que c’est une situation qui est assez généralisée [dans l’industrie de la musique]. » – Kamilah

Kim – Sans doute à cause du travail que je fais, partout où je vais, il y a quelqu’un qui me raconte une nouvelle histoire … Ça fait longtemps que je fais ce travail et ce n’est pas la première fois que je parle de ça. J’ai le QI d’un génie : je suis littéralement un génie, mais on cherche constamment à me rabaisser parce que j’aime me maquiller et porter des minijupes, comme si ça avait un rapport avec ce que je dis ou avec mes facultés mentales.

Question : On dit que l’imitation est le meilleur des compliments. Mais dans le cas des allosexuelles noires, l’imitation ça prend souvent la forme de l’appropriation de leurs créations par d’autres, qui volent leurs idées et qui s’en attribuent le mérite et [ça aboutit souvent à] une complète trahison de l’intention initiale. Un exemple d’une actualité brûlante est la récupération de la campagne #BlackLivesMatter [Les vies des Noirs, ça compte] et son détournement abject en slogans comme #AllLivesMatter [Toutes les vies comptent]. Pourriez-vous parler d’une situation où on ne vous a pas attribué le mérite qui vous revenait? Et comment vous avez réussi à redresser la situation, le cas échéant. Auriez-vous des conseils à donner à des Noires allosexuelles qui souhaiteraient se lancer comme indépendantes, spécifiquement, mais aussi à d’autres personnes bisexuelles de couleur concernant la protection contre le plagiat?

Kim – Je trouve que c’est important de tout mettre par écrit. Il faut avoir une trace écrite de toutes les choses qu’on fait, en tout temps, notamment factures, ententes contractuelles, enfin, tout… Je crois que c’est aussi pour ça que les médias sociaux sont vraiment importants… on doit faire connaître son propre travail et ses propres accomplissements et les documenter parce qu’il n’y a personne qui va le faire à notre place. Personne ne saura exactement ce que vous avez accompli à moins que vous en parliez… Il y a plein de gens qui disent que c’est tordu, mais en tant que Noires allosexuelles, qui d’autre que nous va faire connaître (nos accomplissements)? Personne, absolument personne.

«  En tant que Noires et allosexuelles, avec toute l’expérience qu’on a accumulée et ce que ça nous a fait réaliser, on produit beaucoup et on est des mines d’information… Alors, il n’y a pas de mal à dire “ Écoutez : il s’agit de mon temps, et si vous allez en profiter dans votre travail, est-ce qu’on pourrait discuter de la possibilité de me payer quelque chose? ” ou bien “ Si vous voulez que je vous aide à faire des recherches, je demande que vous mettiez mon nom… Vous ne pouvez pas vous contenter de me demander de faire cette job et puis de vous en servir tout bonnement pour finir le projet auquel vous travaillez : c’est pas correct ”. » – Kamilah

 

Question : Y at-il quelque chose que vous aimeriez ajouter pour terminer?

Kim – J’estime qu’il est important d’établir des relations avec d’autres pigistes qui ont la même double expérience… Je pense que ça serait une bonne chose de commencer à réfléchir aux possibilités de partage de l’infrastructure. Avec mon mari, qui fait aussi beaucoup de travail indépendant, partager une assistante, par exemple, ou trouver des moyens de partager ce type d’efforts collectifs d’une façon qui mette notre travail en valeur.

Kamilah – Pour les gens qui envisagent de se lancer comme indépendants et qui verraient la vidéo ou qui liraient ça, sachez que vous méritez ça [cette reconnaissance, NDT] et que vous devriez vous donner les moyens de l’obtenir.

Je voudrais profiter pour parler des autres jeunes travailleuses indépendantes noires [de la communauté] LGBTQ. Sans leur foi en moi – et vice-versa – on n’aurait pas la belle communauté qu’on a aujourd’hui.

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