TINA HOUSE | Pour SCA Canada
J’entends le battement des tambours et les chants faisant résonner la voix de nos ancêtres. Je vois scintiller au soleil les robes à clochettes et les tenues cérémonielles aux couleurs chatoyantes ornées de fines broderies perlées, et le châle des danseuses, dont les mouvements légers rappellent la grâce d’un oiseau.
Puis j’écoute la mélodie des violons et des guitares : les Métis, fièrement vêtus de chemises à rubans, de ceintures fléchées et de mocassins en peau d’orignal, giguent au son de la musique.
Dans le Nord, les chanteuses de gorge se tiennent par les bras en se regardant dans les yeux et, en inspirant profondément, émettent des sons étonnants qu’elles seules parviennent à produire. Vêtus d’anoraks en peau de phoque doublés de fourrure, les jeunes et les aînés dansent ensemble dans la vibration sonore des gros tambours à main.
Quand je ferme les yeux, c’est ce qui me vient à l’esprit en pensant à la Journée nationale des peuples autochtones.
De cultures, d’histoires et de langues distinctes, nous sommes les trois peuples autochtones du Canada : les Métis, les Premières Nations et les Inuits. Malgré nos différences, nous sommes un seul peuple, le premier à avoir occupé ce territoire.
La Journée nationale des peuples autochtones a une signification unique pour chaque personne. Mais pour la plupart, il s’agit d’une invitation à se rassembler et à réfléchir à la beauté de notre identité.
C’est une journée que l’on passe entre amis ou en famille pour déguster des plats traditionnels, et ce, toujours en rigolant beaucoup.
Lors de cette journée spéciale, nous célébrons ce que nous sommes et ce que nous allons devenir.
Pour les allochtones, il s’agit d’une occasion idéale pour découvrir nos cultures, nos langues et nos histoires fascinantes.
Nommée « Journée nationale des Autochtones » lors de son annonce officielle en 1996, elle a par la suite été renommée « Journée nationale des peuples autochtones », afin de refléter la diversité des peuples fondateurs du Canada. Cette journée est devenue une célébration nationale qui a lieu le 21 juin dans les villes et les villages, ainsi que dans les établissements métis, les territoires et les réserves de partout au pays.
Cependant, pour une personne autochtone, cette journée se célèbre quotidiennement.
Il s’agit de la première occasion de se réunir après une pause de deux ans due à la COVID. Comme dans les dernières années, ce rassemblement est porteur d’espoir : nous espérons qu’en tissant des liens, nos communautés retrouveront leur force d’antan.
Les événements des dernières années m’amènent à penser que cette union solide à laquelle nous aspirons est plus nécessaire que jamais.
Il y a un an, le 6 mai, on annonçait la découverte de 215 petites tombes peu profondes cachées d’enfants sur le site d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops. Cette nouvelle a ébranlé le monde.
Depuis, près de 10 000 autres tombes potentielles non marquées ont été trouvées partout au Canada.
On est en droit de se demander : comment cela a-t-il pu arriver?
En tant que vidéojournaliste pour la chaîne APTN National News depuis 15 ans, j’ai couvert des milliers d’histoires. Récemment, je suis allée en Italie avec la délégation autochtone pour rencontrer le pape François. Ce fut une expérience mémorable à bien des égards, mais mon souvenir le plus marquant est l’entretien d’Angie Crerar au Saint-Siège. Survivante métisse des pensionnats âgée de 85 ans, elle s’est rendue à Rome expressément pour raconter sa vérité au pape.
Le ciel était nuageux et le vent frais lorsqu’elle est sortie du Vatican, et tous les médias se sont aussitôt rassemblés près d’elle. Angie, une femme de petite stature, semblait géante ce jour-là. D’une voix tellement puissante et claire, elle a proclamé : « Ils ne nous ont pas brisés! Nous sommes encore là aujourd’hui, et pour toujours! »
Gravés dans ma mémoire pour le reste de ma vie, ces mots me reviendront toujours à l’esprit lorsque je repenserai à ce voyage historique. Je suis également toujours aussi fière de voir nos dirigeants représenter nos Nations avec autant de vigueur et de grâce. C’est grâce à nos efforts acharnés que le pape s’est excusé des événements survenus dans les pensionnats.
Puisque plus de 150 000 enfants ont été arrachés de force de leurs foyers pour être scolarisés dans des pensionnats, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir vers la guérison. Cependant, la réconciliation passe aussi par la réconciliACTION. De nombreuses personnes soutiennent qu’il faut commencer par sensibiliser les Canadiens aux événements qu’ont vécus les Autochtones, à leur réalité actuelle et aux gestes à poser pour apporter des changements positifs.
La visite imminente du pape François à la fin juillet constitue certes un pas vers la guérison, mais les survivants avec lesquels j’ai parlé m’ont confié que ce n’est que le début d’un long parcours.
Malgré tout ce que nos peuples ont subi, nous avons gardé la tête haute. Habités d’une force tranquille et dotés d’un esprit solide, nous avons survécu et prospéré.
Cette Journée nationale des peuples autochtones n’est donc pas seulement une occasion de rassemblement. Nous sommes également invités à saisir l’ampleur de la signification de cet événement en réfléchissant au passé et en célébrant véritablement les premiers peuples du Canada.
« Mon peuple dormira pendant cent ans, mais lorsqu’il se réveillera, ce seront les artistes qui lui rendront son esprit. » – Louis Riel
(Fièrement Métisse, membre de SCA Canada et de la Guilde canadienne des médias, Tina House est une vidéojournaliste primée à maintes reprises de la chaîne APTN National News. Elle est récemment devenue la première personne autochtone à remporter le prix Écrans canadiens dans la catégorie Meilleur journaliste national. Elle est également correspondante invitée à CTV National News).