La liberté de la presse

Kim Trynacity,  présidente de la sous-section CBC/Radio-Canada de la Guilde canadienne des médias

Et quid de la liberté de faire son travail sans être harcelé.e, insulté.e, harangué.e ?

Et la liberté de dormir la nuit sans que les fumées de diesel n’imprègnent votre maison ?

La liberté de traverser en toute sécurité une foule qui, dans notre système démocratique, peut se rassembler, crier pour s’opposer et faire valoir son point de vue devant le monde entier ?

Alors que le soi-disant convoi de camionneurs s’éternise et perturbe l’activité, les journalistes et les équipes de tournage sont une fois de plus soumis à des traitements abusifs de la part de ceux et celles qui se sentent maintenant enhardis et autorisés à se libérer des mesures restrictives auxquelles nous avons toutes et tous été soumis au cours des deux dernières années.  

Les captures d’écran et les courriels de nos journalistes dépeignent un climat de peur. Malgré les efforts déployés par de nombreux employeurs pour assurer la sécurité de toutes et tous, le risque est très grand.

« J’ai été menacé, harcelé et engueulé à plusieurs reprises au cours de mon quart de service », a écrit un de nos membres, qui nous a transmis une capture d’écran d’un autre journaliste.

Voici ce qu’il a écrit après s’être faufilé dans une foule de manifestants du convoi :

« Une femme m’a fait un doigt d’honneur, un autre homme tenant la main de sa fille a menacé de me jeter dans la circulation sur l’autoroute, et un groupe de 3 manifestants a commencé à me suivre en m’appelant ’ fucking scum’’ (putain de racaille) tout en l’enregistrant pour que je ne détourne pas les propos. »

Une autre de nos journalistes rapporte avoir reçu des messages menaçants sur sa page Facebook de la part de membres du convoi.

(Nous n’identifions pas les journalistes pour protéger leur sécurité)

Une équipe du réseau CTV à Edmonton a retiré les autocollants d’identification de ses fourgonnettes cette semaine, et certains sites de CBC ont choisi de le faire il y a un an.

Si porter les couleurs de la société pour laquelle on travaillait était autrefois un aspect nécessaire du travail et du rôle dans la collectivité, aujourd’hui il vaut mieux ne pas être remarqué.e et ciblé.e. 

C’est aussi grave que cela.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bien entendu, ce n’est pas la première fois que des journalistes sont pris pour cible, mais cette pratique est en train de se normaliser.

Les journalistes jouent un rôle essentiel pour garder un œil sur le fonctionnement de la démocratie. Si on les empêche de nous dire ce qui se passe réellement, la différence entre une manifestation mesurée et une insurrection civile devient plus grande et plus effrayante à analyser ou à couvrir.

Les syndicats ont pour mission d’assurer la sécurité de leurs membres, de protéger les emplois et d’accroître leurs effectifs. Mais face à des situations de plus en plus volatiles et dangereuses, il faut faire beaucoup plus pour protéger les travailleurs de première ligne – Les journalistes qui frappent régulièrement aux portes d’inconnus pour savoir ce qui se passe.

Allons-nous devoir envoyer des drones à la place des vidéastes ? Des robots automatisés pour poser les questions, enregistrer les entrevues ?

Au moins, de cette façon, les insultes raciales n’auraient pas leur impact dévastateur, pas plus que les menaces envers une famille de robots ou les insultes grossières envers un drone !

Ce n’est sûrement pas cela que nous souhaitons!

Mais cette incursion dans l’anarchie menace les travailleurs des médias et le travail qu’ils accomplissent, tout comme elle a maintenant paralysé le commerce et coûtera probablement des emplois.

Les politiciens affaiblis ont désormais trop peur de titiller l’ours en colère qui s’est déchaîné.

Il est temps pour nous, en tant que société, d’examiner ce que les journalistes doivent endurer pour faire leur travail, ce qu’il faut faire pour obtenir une couverture équilibrée de nos jours, et à quel prix.

Après tout, toute travailleuse et tout travailleur et toute travailleuse a le droit de refuser un travail dangereux.

 

 

Ressources pour les membres


Sujets les plus consultés

Scroll to Top