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Le CRTC devrait écouter attentivement Jessica

La semaine prochaine à Ottawa, les télédiffuseurs diront au CRTC qu’ils veulent moins de règlements et plus de façons de faire des profits. Ils ne manqueront pas d’invoquer à quel point il est devenu difficile de profiter de la publicité traditionnelle, en raison de la concurrence des nouveaux médias comme l’Internet, la télévision payante et les téléphones cellulaires. Ils solliciteront des mesures pour les aider à accroître leurs maigres marges de profits actuels.

Et ils pourraient bien y parvenir, puisqu’ils comptent de puissants alliés à Ottawa. Dans les faits, la ministre responsable de la réglementation sur la télédiffusion, Bev Oda, en fait partie. Elle a siégé au CRTC et travaillé pour CTV. Récemment, elle a informé un groupe de femmes en communications à Toronto que son gouvernement s’était « engagé à faire preuve de plus de flexibilité au niveau de la réglementation. » Elle a aussi précisé qu’elle s’entend bien avec le ministre de l’Industrie, Maxime Bernier, qui favorise un « marché ouvert » pour « permettre aux gens de faire des choix. »

Regardons d’un peu plus près les implications de ce qui précède. La ministre Oda, comme la plupart des médias à l’heure actuelle, réfère souvent à la nouvelle génération, à ses goûts et à ses habitudes. Les jeunes téléchargent ce qu’ils veulent, à leur gré, et sans limitation d’aucune sorte.

Ce consommateur de nouvelle génération, appelons-la « Jessica. »

Il semble que Jessica ne s’intéresse pas aux heures de grande écoute à la télé, ni aux horaires télé en général. Pas plus qu’aux règlements sur le contenu canadien. Jessica ne s’intéresse pas non plus à la programmation locale. Elle symbolise le rêve néolibéraliste de faire ses propres choix culturels. Personne ne peut la contraindre à écouter de la musique canadienne, ni regarder ou télécharger des émissions canadiennes.

Mais Jessica le fait malgré tout. Plusieurs des balados les plus populaires au Canada sont produits ici. Certaines des pièces musicales préférées de Jessica sont écrites et enregistrées ici même, au Canada. Ceci parce qu’il existe, de longue date, des règlements et un soutien financier au développement de la musique et de la programmation radio et télé d’ici. Il existe un diffuseur national public qui, en dépit d’un sous-financement, se consacre à la programmation canadienne. Ces règlements et ces institutions furent mis en place à une époque où l’on voulait s’assurer d’un certain contenu canadien non entièrement produit à des fins de rentabilité par les États-Unis, le marché le plus prolifique et commercialisé au monde.

Si vous avez déjà téléchargé quoi que ce soit, vous le savez, mais répétons-le : les diffuseurs de nouveaux médias populaires, y compris Radio-Canada, n’ont pas connu du succès en consacrant leurs ressources en baisse aux sites Web et aux balados, au détriment de la radio et de la télévision. Pas du tout. Le mot clé est « réaménagement » (repackaging). Ainsi, certains des balados les plus populaires ont d’abord été des émissions radio appréciées, qu’écoutent probablement les parents et les grands-parents de Jessica.

Malheureusement, les émissions de télévision anglaise canadienne n’ont pas connu autant de succès dans l’univers du téléchargement. C’est probablement parce qu’elles n’ont pas réussi beaucoup non plus dans l’univers de la diffusion, à l’exception des émissions Corner Gas et le Rick Mercer Report, qui semblent toutes deux avoir une bonne présence sur l’Internet. Si Jessica télécharge tellement peu de contenu vidéo professionnel canadien de You Tube, c’est probablement surtout parce que les règles sur le contenu canadien étaient déjà moins sévères pour les télédiffuseurs en 1999.

Quant aux nouvelles, vous serez peut-être surpris d’apprendre que c’est possiblement l’entreprise de presse la plus ancienne au pays – La Presse canadienne – qui possède le plus bel avenir.

En réalité, la plupart des nouvelles entreprises de presse dignes de ce nom ont absolument besoin du fil de presse de la PC. Dans les faits, même si nous avons plus de choix pour capter les nouvelles (tel que l’Internet et la télévision mobile), de moins en moins de journalistes sont assignés et payés pour recueillir l’information au pays qu’il y a une décennie.

C’est au niveau local que cette situation se constate davantage. Jessica pourrait apprendre à peu près tout des résultats des élections américaines de mi-mandat. Elle pourrait trouver des commentaires humoristiques, des données sérieuses sur les habitudes de vote, des vidéoclips des meilleures gaffes durant la campagne. Tout est là.

Mais quelles sont les chances que Jessica sache qui est le maire de sa ville? Pas très élevées. Et il est presque assuré qu’elle ignore tout ce qui se passe au conseil municipal, ou même scolaire. Même si le sujet l’intéressait, il ne serait pas très facile pour Jessica de se renseigner en consultant les nouveaux – et même les anciens – médias d’information.

Les sites Web de nouvelles les plus fiables et populaires appartiennent à des médias établis de longue date, qui « réaménagent » (encore ce mot!) les fils de presse et leurs propres reportages préparés au départ pour les journaux, la radio ou la télé.

Alors, lorsque CanWest (l’entreprise qui possède les réseaux Global et CH) fait valoir qu’elle souhaite un relâchement important des exigences de contenu canadien, incluant des publireportages de jour comptant comme contenu canadien, aucune exigence pour les nouvelles locales, aucun argent neuf aux diffuseurs publics, et la liberté d’accroître le contenu publicitaire, nos organismes de réglementation et le gouvernement devraient tenir compte des conséquences pour Jessica et les jeunes de sa génération.

Jessica devrait peut-être leur dire « non, merci. » Après tout, ce n’est pas elle qui va en profiter.

La Guilde canadienne des médias incite fortement le CRTC à adopter de nouveaux règlements pour encourager et financer une programmation télévisée canadienne de qualité, y compris les nouvelles locales et les émissions dramatiques. Cliquez ici pour lire le mémoire de la Guilde déposé auprès du CRTC.

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