Par Karen Wirsig, GCM
Étonner un public désabusé, quand on est un organisme de réglementation de la radiodiffusion, il faut le faire ! Et pourtant, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) y est parvenu : en octobre dernier, le CRTC faisait les manchettes en s’opposant à l’acquisition d’Astral Media par Bell. La transaction n’était pas dans l’intérêt du public, déclarait alors Jean-Pierre Blais, le nouveau président du CRTC.
Il avait bien parlé de l’intérêt du public. Se pouvait-il que l’on prenne encore en compte l’intérêt du public en examinant les transactions relatives aux médias ?
Bell, pour sa part, était à cent lieues de le penser. Dépitée par la décision du CRTC, cette société répliqua en demandant au Cabinet fédéral de la renverser. La société soutenait, en substance, que rien, dans la politique récente du CRTC, ne permettait de penser qu’il était légitime de s’opposer à la transaction à ce motif. Toutefois, le gouvernement ayant fait savoir à Bell qu’il n’avait aucune intention de revenir sur cette décision populaire du CRTC, Bell changea promptement de tactique et annonça avoir déposé une nouvelle demande pour l’acquisition d’Astral. Le Conseil devrait donc tenir une nouvelle audience à ce sujet d’ici le début 2013.
Reste à voir si cette nouvelle demande est suffisamment différente de la première pour convaincre le CRTC et les Canadiens qu’elle est dans notre intérêt.
Entre-temps, suite à deux semaines d’audience qui ont eu lieu fin novembre, nous attendons la décision du CRTC à propos du renouvellement des licences de CBC et Radio-Canada. Lors de ces audiences, de nombreux Canadiens ainsi qu’un grand nombre d’entreprises de médias et d’autres organismes se sont prononcés en faveur de la radiodiffusion publique. Le hic : pratiquement personne, à l’exception notable des membres du panel de CBC/Radio-Canada, ne semble souscrire pleinement à l’idée de diffuser de la publicité sur Radio 2 et Espace Musique. Or, il s’agit d’un élément central de la stratégie de CBC/Radio-Canada pour endiguer la saignée provoquée par les compressions budgétaires.
Lors de l’audience publique, la Guilde ne s’est pas carrément opposée à l’idée de diffuser de la publicité sur les ondes radio publiques. Cependant, nous avons fait valoir – en nous appuyant sur des documents du CRTC en ce sens – que cela ne constituait pas une bonne politique à long terme. Nous avons indiqué que nous préférerions résoudre le problème au moyen d’un fonds alimenté par les sociétés de radiodiffusion par câble et par satellite, fonds qui serait consacré à la production d’émissions locales par les radiodiffuseurs publics et communautaires. Si cela vous dit quelque chose, c’est que notre proposition reprend, en l’améliorant, l’idée du Fonds pour l’amélioration de la programmation locale. Ce fonds avait été créé par le CRTC en 2010, puis abandonné au milieu de l’année 2012 pour des raisons assez nébuleuses du point de vue de l’intérêt public. En effet, les seuls à avoir soulevé des objections étaient… les sociétés de radiodiffusion par câble et par satellite.
Le fonds que nous proposons d’établir générerait autour de 65 millions de dollars par an, dont nous envisageons que la majeure partie irait à CBC et Radio-Canada pour la production d’émissions locales. Il rapporterait davantage à CBC/Radio-Canada que la publicité à la radio et il servirait à offrir des émissions appréciées du public mais de plus en plus boudées par le secteur privé.
Le CRTC nous étonnera-t-il de nouveau en 2013 en faisant le choix qui servira au mieux l’intérêt du public ?
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