Le cirque à trois pistes, qui a monté son chapiteau à la fin novembre sur la Colline parlementaire, a tourné ses projecteurs la semaine dernière sur le numéro du Parti libéral au moment où très peu de simples citoyens avaient envie d’un tel spectacle. Pas une seule des vedettes de ce spectacle n’est arrivée à créer de l’enthousiasme. Le seul qui soulevait les moindres passions, même si elles étaient négatives, a finalement démissionné le 8 décembre. Il s’agit bien du vidéaste amateur, Stéphane Dion.
Les projecteurs de la Colline se sont éteints, les chapiteaux sont de nouveau rangés et c’est maintenant à nous de ramasser les pots cassés. Il paraît que nous devrions même être soulagés parce que la Gouverneur générale a imposé un temps d’arrêt à ces arnaqueurs et qu’elle nous a sauvé du « gros monstre à trois têtes ». On dit que la coalition, soi-disant traître et séditieuse, ne survivra pas très longtemps passé le début de la nouvelle année car le nouveau maître de cérémonies du Parti libéral fera cavalier seul et abandonnera les « socialistes » et les « séparatistes » à leur sort.
Le spectacle était bien bon. (Imaginez un peu toutes les heures supplémentaires travaillées par les correspondants de la Colline parlementaire juste avant Noël). La population canadienne peut maintenant profiter calmement du temps des Fêtes et attendre sereinement le budget de Jim Flaherty.
Mais un instant ! Le budget Flaherty ? Il me semblait bien que nous étions sur le point d’oublier quelque chose. À part les attaques contre les partis politiques fédéraux et les fonctionnaires à l’aide de mesures retirées pour l’instant par les conservateurs, à quoi peut-on s’attendre du prochain budget Flaherty ?
Au-delà des mesures que Flaherty ajoutera au budget d’ici la fin janvier, certains éléments font déjà l’objet de rumeurs ou d’annonces préalables.
Premièrement, l’organisme de défense de la radiodiffusion publique, Friends of Canadian Broadcasting, affirme qu’une source bien informée a pris connaissance d’un document du Parti conservateur qui propose des compressions de 200 millions de dollars au budget total d’un milliard de dollars de Radio-Canada. Ça voudrait dire d’énormes compressions dans la programmation de Radio-Canada/CBC et ainsi rapprocher de 10% le ministre de son objectif de réduire les dépenses globales du gouvernement de 2 milliards pour l’exercice de 2009-2010. Selon ce qui a été rapporté dans le Globe and Mail, cette mesure pourrait aggraver la récession au Canada.
Dans son énoncé économique du 27 novembre, le ministre des Finances a également annoncé :
– la vente d’actifs fédéraux d’une valeur de 2,3 milliards de dollars
– un fonds de 50 milliards pour acquérir des actifs bancaires
– d’autres réductions d’impôts personnels et de taxes d’affaires (pour un total de 36 milliards depuis 2006)
– 6 milliards pour appuyer des projets d’infrastructures provinciaux, territoriaux et municipaux, don’t certains seraient gérés par une Société de la Couronne mise sur pied pour organiser des partenariats publics-privés (on devance donc un programme d’infrastructure qui a déjà été annoncé)
– des changements à la loi fédérale sur l’équité salariale qui empêcheraient les femmes de porter plaintes devant le Tribunal des droits de la personne sur des questions d’équité salariale.
En guise de réponse à cet énoncé économique, les libéraux, le NPD et le Bloc québécois ont élaboré, en un temps record, une entente de politiques communes. Cet accord prévoit :
– un appui à la culture et l’abolition des compressions aux programmes culturels annoncées en août par les conservateurs.
– des dépenses additionnelles et immédiates sur des infrastructures comme le transport en commun, le réseau routier, l’énergie renouvelable et l’eau.
– des mesures précises pour répondre de façon urgente aux besoins en infrastructure des communautés autochtones, métisses et inuites.
– construction et rénovation de logements.
– des investissements dans un plan qui ramènerait les industries automobile, forestière et manufacturière « à la rentabilité et à la viabilité.»
– abolition de la période de deux semaines d’attente pour recevoir les prestations d’assurance emploi.
– un nouveau programme de soutien au revenu pour venir en aide jusqu’à la retraite aux travailleurs plus âgés qui ont perdu leur emploi.
– des changements aux lois sur la faillite et l’insolvabilité afin de protéger les régimes de retraite.
Le Congrès du travail du Canada, qui représente 3 millions de travailleurs au pays, a donné son appui au plan de la coalition affirmant que « nous sommes très encouragés par le fait que les partis de l’Opposition sont prêts à travailler ensemble à un programme constructif et nous appuyons sans réserve les efforts qui cherchent à offrir aux Canadiens une alternative qui va dans le sens de leurs intérêts. »
Et il y a eu une conjoncture favorable de courte durée pour mettre en place ce programme, une conjoncture qui n’est fort possiblement plus la même, malgré le sondage commandé par le CTC qui indique que plus de la moitié des Canadiens sont en désaccord avec le plan Flaherty. Ce sondage a été effectué les 1er et 2 décembre par la firme Stratcom.
Fait à souligner, le même sondage révélait que plus de 80% des répondants étaient plutôt d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation que « le gouvernement canadien devrait stimuler l’activité économique en augmentant temporairement les dépenses en infrastructure public comme les routes et le transport en commun, en prêtant main forte aux industries en difficulté, en portant assistance aux chômeurs et en protégeant les régimes de retraite. »
Ces initiatives font toutes partie du programme de la coalition. Ce qui apparaît clair est que les gens semblent aimer les idées de la coalition même si les attaques des conservateurs ont rendu les citoyens hostiles à l’idée d’être dirigés par un gouvernement de coalition.
Karen Wirsig est la coordonnatrice des communications de la Guilde.