Je ne suis pas certaine si je dois m’inquiéter ou si je dois me réjouir du fait que TVOntario n’est pas un enjeux lors de la présente élection provinciale ontarienne.
Après tout, la possibilité de privatiser le télédiffuseur public a été au cœur de presque toutes les campagnes depuis 1995. Au cours de leur « Révolution du bon sens », les conservateurs avaient mis TVOntario sur la liste des agences provinciales qui étaient à vendre. Les gouvernements Harris et Eves ne sont jamais arrivés à se départir de TVOntario. Des députés libéraux bien en vue ont aussi jonglé avec l’idée de vendre le télédiffuseur lors des élections de 2003.
Je ne peux m’empêcher d’être préoccupée cette fois-ci du silence qui règne autour de la question du télédiffuseur public. Les 10 ans de négligence et de menaces récurrentes de privatisation ont laissé le télédiffuseur public dans un piteux état. Il y a moins de productions au petit écran qui sont réalisées à l’interne, il y a moins de couverture des affaires publiques provinciales, il y a plus d’émissions en reprise et plus d’acquisitions. Est-ce que j’ai mentionné qu’il y avait plus d’émissions en reprise ?
TVO est le service gouvernemental financé par les contribuables qui est le plus en vue. Il dessert presque chaque habitant de la province, peu importe qui il est ou l’endroit où il vit. C’est pour cette raison que TVO est important et c’est aussi pour cela que TVO devrait être très important pour le gouvernement ontarien peu importe le parti au pouvoir.
TVOntario reçoit 40 millions de dollars en crédit de base du gouvernement provincial. Un montant qui n’a pas augmenté depuis 10 ans. En dollars constants, il s’agit d’une diminution lorsqu’on calcule l’inflation. Durant cette période de gel des budgets, le télédiffuseur a tenté de se tenir à la fine pointe en produisant du matériel et des programmes destinés à l’Internet.
Pendant ce temps, des émissions produites à l’interne ont été annulées et, dans plusieurs cas, n’ont pas été remplacées. Voici une liste partielle d’émissions qui sont disparues des ondes depuis 2005 : Studio 2, Person to Person with Paula Todd, Imprint, More to Life, et Second Opinion.
De son côté, Tfo s’est essaimée cette année et elle est devenue une organisation indépendante. Elle reçoit une somme additionnelle du gouvernement pour déménager et procéder à des embauches d’employés techniques et administratifs, étant donné qu’il n’y aura plus de partage de ces services avec TVO. Tfo a un auditoire fidèle qui apprécie sa programmation de langue française. Il semble que Tfo connaît un nouveau départ empreint d’optimisme.
Ce n’est vraiment pas le cas de TVO.
Le gouvernement libéral a transféré la responsabilité du télédiffuseur public de langue anglaise, maintenant devenu orphelin, au ministère de l’Éducation. La majorité de l’attention de ce ministère est retenue par le défi de réduire les effets de la crise dans le monde de l’éducation publique, crise qui a été manufacturée par le précédent gouvernement conservateur. TVOntario a reçu le mandat très flou de produire une programmation exclusivement éducative. Ce n’est pas comme si le gouvernement ou bien TVOntario ont soumis cette question aux Ontariens afin qu’ils réfléchissent et se prononcent sur ce mandat.
Au moment où de plus en plus d’Ontariens se plaignent des émissions que l’on présente à la télévision, TVOntario n’arrive plus à leur offrir une programmation différente, unique, qu’ils ne peuvent trouver ailleurs.
Les raisons pour appuyer une télévision qui n’a pas une vocation commerciale n’ont jamais été si nombreuses. La nécessité d’un financement public d’une telle télévision n’a jamais été aussi évidente. Sans elle, vous vous retrouvez avec des institutions qui sont le pâle reflet d’elles-mêmes, comme PBS aux Etats-Unis. Il y a aussi le scénario de la course aux revenus publicitaires qui donnent les résultats inévitables que l’on connaît à CBC/Radio-Canada, qui ressemble de plus en plus à toutes les autres stations de télévision.
TVO pourrait bien emprunter cette avenue. La présidente directrice générale, Lisa de Wilde, se plaignant du « modèle financier » du télédiffuseur public, a récemment déclaré à son personnel qu’elle examine la possibilité de rentabiliser (vendre?) les archives publiques de la station, de vendre des vidéos sur demande, de vendre des émissions sur téléphone cellulaire et autres « plates-formes mobiles» en plus de conclure « des ententes de partenariats plus costauds avec le milieu des affaires. »
Ce qui est évident, c’est que TVO envisage un avenir plus commercial. Une formule de financement stable et plus généreuse est la seule chose qui pourrait assurer que la station reste publique.
Étant donné les préoccupations quant à la santé de l’industrie de la télévision et du film à Toronto et ailleurs en Ontario, y a-t-il un meilleur moment pour injecter de nouvelles sommes dans TVOntario afin de créer plus d’émissions réalisées dans la province ? Il en faudrait si peu pour faire une plus grande différence pour ceux qui comptent sur TVO afin de les tenir informé de ce qui se passe dans leur province.
Avez-vous entendu vous les candidats des partis provinciaux? Pourquoi ne pas s’engager à long terme envers notre télédiffuseur public provincial ? Faites-le maintenant, faites-le sans réserve!
Si par hasard vous n’êtes qu’un simple citoyen comme moi, pourquoi ne pas demander à vos candidats si leur gouvernement remplirait leur promesse d’augmenter le financement de TVO ?
Lise Lareau est la présidente de la Guilde canadienne des médias, le syndicat qui représente les employés de la production à TVO et Tfo.