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Lettre à la ministre du Patrimoine: La Guilde se porte à la défense de la culture et des médias d’ici

L’honorable Mélanie Joly, C.P., députée
Ministre du Patrimoine canadien
Chambre des communes                             15, rue Eddy
Ottawa, ON K1A 0A6                                     Gatineau, QC K1A 0M5

Le 21 septembre 2016
Objet : Consultations ouvertes sur les médias et la réglementation en matière culturelle au Canada

Madame la Ministre,

En ma qualité de présidente de la Guilde canadienne des médias (GCM), je vous écris au nom de milliers de travailleurs des médias talentueux, hautement qualifiés et passionnés par leur métier qui vivent et exercent dans des localités petites et grandes, réparties dans l’ensemble de notre vaste pays. La GCM compte des membres qui travaillent à CBC/Radio-Canada, à La Presse Canadienne, à ZoomerMedia, à TFO, à TVO, à Shaw/Corus Media, à l’Aboriginal Peoples Television Network, à Thomson Reuters, à la radio privéeet à Vice Media. Ces membres produisent des créations originales qui sont diffusées à la radio, à la télévision et en ligne et qui informent les Canadiens, les font réfléchir et les divertissent.

La GCM participe à l’examen sur les médias et la règlementation en matière culturelle depuis son lancement au mois d’avril. Elle a répondu au sondage initial en ligne, elle a pris part à l’étude du Forum des politiques publiques sur le journalisme dans notre pays et elle a communiqué à votre ministère le fruit de ses recherches et ses analyses.

Étant donné l’ampleur de l’examen sur la réglementation – que vous avez qualifiée de remise à plat complète (« everything is on the table »), nous nous attendons à ce que la prochaine phase, lancée le 13 septembre, soit transparente, approfondie et inclusive, et nous comptons bien participer pleinement aux consultations à venir.

Nous sommes très intéressés à présenter les faits et nos observations et à découvrir les idées et les propositions des autres participants dans l’espoir que ces consultations serviront à promouvoir la radiodiffusion publique et tous les médias de service public ainsi que le journalisme et les productions originales au Canada, et ce, sur toutes les plateformes utilisées par les Canadiens.

Nous souscrivons à la déclaration suivante, contenue dans le document de pré-consultation : « Malgré les possibilités que présentent les technologies numériques, certaines communautés continuent de se heurter à des obstacles qui les empêchent de créer et de diffuser du contenu. Ainsi, il faudra continuer d’appliquer des mesures spéciales pour encourager et protéger les expressions culturelles de ces communautés ». Il s’agit d’une réalité au sein du Canada et cela s’applique aussi au Canada tout entier en raison de sa contiguïté avec les États-Unis et de la forte pénétration des productions qui en proviennent. Cette situation continue de présenter des problèmes uniques qui méritent réflexion dans le cadre d’un examen de la réglementation d’une telle ampleur.

Voici une liste de questions qui, l’espérons, feront l’objet d’un examen ciblé dans le cadre de ces consultations :

–>Dans tous les sondages qui ont été effectués – y compris le questionnaire de pré-consultation en ligne dont vous avez publié les résultats – une forte majorité de Canadiens ont affirmé qu’ils apprécient CBC/Radio-Canada en tant que radiodiffuseur public national et qu’ils ne sauraient s’en passer. Cet examen de la réglementation en matière culturelle est l’occasion de revaloriser CBC/Radio-Canada à titre d’organe de presse indépendant, d’espace de productions canadiennes originales et de pépinière de talents, dont la présence est bien établie dans toutes les régions du Canada et sur toutes les plateformes utilisées par les Canadiens. Pour que CBC/Radio-Canada soit à même de continuer à servir le public, la GCM continuera de plaider en faveur d’un financement public accru du radiodiffuseur public et de réclamer des garanties de son indépendance à l’égard des gouvernements successifs, ce qui suppose notamment un mode de sélection non partisan du président et du conseil d’administration.

–>Nous jugeons encourageant le fait que l’un des objectifs de l’examen en cours énoncés dans le document de pré-consultation soit de garantir « que les Canadiens [aient] l’occasion de jouer un rôle actif dans notre démocratie parce qu’ils ont accès à des nouvelles et à des informations locales de grande qualité provenant de sources et de points de vue variés ».

De fait, une forte majorité de Canadiens affirment qu’ils apprécient les nouvelles représentatives du cadre local et qu’ils ne sauraient s’en passer. Pourtant, comme nous vous l’avons déjà signalé, les recherches de la GCM ont montré qu’entre 2008 et 2015, 16 000 emplois ont été supprimés dans les médias – un fait qui indique une baisse considérable du nombre de journalistes de terrain, au péril de la couverture des actualités locales. Nous sommes donc intéressés à prendre part à une discussion approfondie sur des modes de financement innovants capables de soutenir un journalisme de reportage indépendant dans toutes les régions du Canada et pour toutes les plateformes utilisées par les Canadiens.

–>Outre le rôle essentiel d’institutions culturelles comme CBC/Radio-Canada, qui nous rapprochent les uns des autres en couvrant l’actualité canadienne et en témoignant de nos expériences et de nos valeurs, les industries canadiennes des médias et de la culture injectent des dizaines de milliards de dollars dans notre économie et emploient des centaines de milliers de Canadiens. Or, l’emploi dans ce secteur est de plus en plus précaire et même dangereux.  

Nous assistons notamment à cette évolution dans les genres du factuel et de la téléréalité, où des maisons de production éphémères font souvent fi des droits des travailleurs, des règles de sécurité et d’autres règlements en vigueur, à la différence des autres employeurs. Nous espérons que les consultations sur la réglementation en matière culturelle feront valoir que la qualité des emplois canadiens est une condition nécessaire de la bonne santé de l’industrie. En tant que syndicat, nous savons que rien de durable ne peut être accompli en dressant les travailleurs les uns contre les autres, que ce soit en fonction de l’âge ou du statut professionnel. Ainsi que l’a réaffirmé le premier ministre Justin Trudeau le mois dernier à Ottawa, « le mouvement syndical n’est pas un problème : c’est une solution ». Un objectif plus utile serait de s’engager à prendre les mesures nécessaires pour que ces industries essentielles fournissent à des travailleurs talentueux de tous âges, de tous niveaux d’expérience et de tous horizons, qui créent des émissions de haute tenue appréciées des Canadiens, des conditions de travail convenables.

–>Voilà pourquoi, tout en reconnaissant qu’il est important de rechercher des occasions d’exporter la culture canadienne, nous estimons que l’accent doit être mis avant tout sur la création, ici même, des conditions nécessaires à la production d’émissions captivantes et de qualité sur toutes les plateformes. C’est, à notre sens, le meilleur moyen de réussir sur le marché culturel international. Vous n’êtes pas sans savoir qu’au fil des ans, de nombreux créateurs canadiens et productions culturelles canadiennes ont retenu l’attention dans d’autres parties du monde; nous estimons que cela est dû en grande partie aux orientations adoptées par notre société et à l’infrastructure dont elle a choisi de se doter. Ce sont ces conditions favorables que nous devons développer. Seul un financement garanti à long terme des productions culturelles du Canada dynamisera l’industrie et favorisera la création d’œuvres  appréciées tant au Canada que dans le reste du monde.

–>À cette fin, nous estimons que, tout comme les termes du présent examen ont, d’emblée, clairement mis l’accent sur les médias en ligne en tant que mécanisme de diffusion, il convient de se pencher avec attention sur les changements relatifs à la circulation de l’argent dans le système tout entier. Mettons donc à profit ces consultations pour déterminer les meilleures façons d’obliger cette partie de l’industrie dont les profits ont récemment bondi à faire sa juste part en contribuant à la création de productions canadiennes. À titre d’exemple, les Canadiens regardent de plus en plus de vidéos en ligne et les fournisseurs d’accès Internet (FAI) – qui, au Canada, sont également des entreprises de distribution de radiodiffusion – tirent des profits juteux de cet état de choses, alors qu’ils ne sont pas tenus de contribuer à la création de productions canadiennes.

Si nous ne cherchons pas des moyens d’obliger ce secteur éminemment rentable de l’industrie à apporter un soutien à la création de productions canadiennes, nous ferons du tort à des générations de citoyens. En effet, les Canadiens risquent de payer de plus en plus cher pour regarder en ligne des vidéos produites à l’étranger, tandis que notre propre production est condamnée à s’étioler et que notre communauté culturelle est exposée à une réduction massive.

Ainsi que l’a écrit un auteur et blogueur pour le site de la Guilde canadienne des médias, il se peut que la question à l’ordre du jour soit celle du mode de diffusion, mais l’avenir, en cela très semblable au passé, s’intéressera à ce qui est diffusé.

Nous espérons que ces consultations seront l’occasion de faire une évaluation sérieuse et transparente de cette question pressante.

La Guilde canadienne des médias apportera sa contribution aux consultations sur la réglementation en matière culturelle en vue de bâtir une industrie forte et dynamique qui réponde aux besoins des Canadiens et qui les divertisse tout en offrant à leurs enfants et petits-enfants des emplois et des possibilités d’exprimer leur créativité. Cet examen approfondi met entre vos mains le sort de notre patrimoine commun et l’héritage culturel du Canada et c’est pourquoi sommes intéressés à y contribuer dans la mesure du possible.

Je vous prie d’agréer, madame la Ministre, l’expression de ma haute considération,
Carmel Smyth, présidente nationale de la Guilde canadienne des médias (GCM)

 

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