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L’examen des industries médiatique et culturelle par la ministre du Patrimoine : en quoi ça vous concerne

Un nouveau développement d’une grande importance, intervenu en 2016 et que la Guilde suit de très près est la révision, par la ministre du Patrimoine Mélanie Joly, des industries canadiennes des médias et de la culture. C’est en avril 2016 que la ministre a annoncé une remise à plat complète en déclarant que tous les aspects seraient abordés et que toutes les institutions culturelles du Canada, ses politiques et les lois régissant la radiodiffusion et les télécommunications du pays étaient à revoir.

Cette révision inclut le mandat de CBC/Radio-Canada – et vraisemblablement son financement – ainsi que l’ensemble des règles régissant la production des émissions canadiennes de radio et de télévision. Le système actuel a été mis en place pour appuyer le développement d’une industrie canadienne et éviter qu’elle ne soit asphyxiée par le géant américain du divertissement, massivement financé.

Tout cela signifie qu’au cours des prochaines années, le gouvernement libéral pourrait introduire des changements profonds dans les secteurs canadiens des médias, de l’information et de la culture, avec des effets à long terme. Pour ce qui est de CBC/Radio-Canada, si les libéraux approuvent la stratégie 2020 avancée par Hubert Lacroix, son président actuel, qui consiste à réattribuer les ressources de programmation de la radio et de la télévision à CBC/Radio-Canada pour se concentrer sur un CBC/Radio-Canada en ligne, on pourrait se retrouver avec un diffuseur public grandement diminué, sans émissions produites à l’interne, sans présence sur les plateformes importantes et sans engagement véritable à l’égard des nouvelles locales.

La première partie – maintenant achevée – de la révision entreprise par la ministre Joly était un sondage national semblant accorder la priorité au marché et aux émissions canadiennes capables de faire face à la concurrence sur le marché mondial (des émissions à caractère plus générique en mesure de rivaliser avec les grands succès de Hollywood, selon la description que l’on m’en a faite)

Pour la deuxième partie, la ministre a nommé un groupe de « conseillers experts de l’industrie » qui devront organiser six ateliers à l’échelle du Canada. Ce groupe, constitué de 12 personnes, qui a été qualifié de groupe de rétroaction, comporte des représentants de l’industrie, allant de APTN, Rogers, Ryerson, TVO, l’Office national du film et CPAC à des producteurs indépendants comme les sociétés de production privée DHX Media et Secret City records.

Il s’agit d’un groupe consultatif qui pourrait jouer un rôle déterminant dans l’orientation des politiques qui vont être adoptées en la matière. Pourtant, aucun représentant direct de Radio-Canada n’y siège, alors que le diffuseur public a été qualifié d’institution culturelle la plus significative au pays, et que son mandat pourrait bien être l’un des enjeux les plus importants de cette révision.

Dans le cadre d’une initiative apparentée mais distincte, la ministre a également fait appel au Forum des politiques publiques (FPP) dirigé par Edward Greenspon, ancien rédacteur en chef du Globe and Mail, pour étudier l’avenir du journalisme (article en anglais). On peut s’attendre à ce que M. Greenspon présente ses conclusions dans le cadre de la révision des industries médiatique et culturelle, mais cela n’a pas été précisé.

En fait, la première annonce relative à l’étude sur le journalisme laissait entendre que cette étude porterait sur la crise des journaux, mais nous avons appris par la suite que le FPP allait examiner le journalisme dans son ensemble, en incluant les services de radiodiffusion et les services en ligne, et qu’il allait tenir des tables rondes dans des villes de l’ensemble du Canada. La Guilde a apporté sa contribution en partageant ses recherches sur les compressions affectant la programmation et les emplois ainsi que son expérience et ses idées sur la couverture des actualités et les solutions de financement.

Convaincus qu’il est de toute première importance que le Forum entende également le point de vue des journalistes en activité, nous avons soumis les noms de membres de la Guilde pour prendre part aux tables rondes du FPP dans les différentes villes et nous savons que certains d’entre eux ont déjà été contactés. Nous sommes reconnaissants à ces bénévoles qui ont consenti à faire part de leur point de vue et aperçus.

Tout au long, nous avons exhorté la ministre à tenir compte, dans sa révision, de la façon dont l’argent circule dans le système actuel. Les choses sont très différentes de ce qu’elles étaient il y a dix ans puisqu’à présent, la partie non réglementée de l’industrie – tels les gros fournisseurs d’accès Internet (FAI) qui font maintenant également office de distributeurs d’émissions – tire des profits juteux de la croissance de la diffusion vidéo en continu. Tout comme nous, de nombreuses personnes de l’industrie trouvent que quiconque profite du système devrait être astreint à verser une fraction minime de ses profits pour soutenir la programmation canadienne, y compris le contenu accessible sur ordinateurs et écrans mobiles. C’est d’ailleurs exactement ce que la Guilde a soutenu en début d’année lors de l’audience du CRTC sur les actualités locales.

Chaque année, les géants du numérique empochent quelque 800 millions de dollars américains provenant du Canada sans verser un sou de taxe au pays ni soutenir sa production – un fait préoccupant qui devrait être examiné dans le cadre de la révision lancée par la ministre du Patrimoine.

Voici certaines de nos priorités relativement à la révision :

1.Les règlements sur le contenu canadien doivent être renforcés – S’il n’existait pas de règlements à l’appui de la production et de la diffusion d’émissions canadiennes originales, dont les émissions d’actualités, y aurait-il des diffuseurs qui en produiraient, alors qu’il est moins cher et plus rentable de rediffuser des émissions américaines ?

Nous estimons qu’une règlementation bien pensée et proactive de l’industrie pourrait favoriser une industrie en santé, avec un bon équilibre entre médias publics, privés et communautaires, y compris en ligne. Notre réglementation devrait aussi mettre un frein à la concentration excessive des médias dans notre système.

La Guilde, de concert avec bien d’autres groupes, continue de rappeler que la concurrence des émissions américaines est en hausse et non en baisse, de même que l’accès à des contenus mondiaux sur diverses plateformes. Alors, si on souhaite avoir  une industrie canadienne qui offre des occasions de réussir ici, on a besoin d’incitatifs bien pensés en termes de réglementation et de financement.

2.Plus que jamais, CBC/Radio-Canada a un rôle important à jouer – Comme l’ont montré les sondages successifs, les services fournis par le diffuseur national sont essentiels aux yeux des Canadiens, : 89 % d’entre eux s’accordent à dire qu’il est important pour ce pays que CBC/Radio-Canada soit robuste, 91 % affirment que CBC/Radio-Canada joue un rôle important dans le façonnement de l’identité et de la culture canadiennes, et plus de 90 % déclarent apprécier ses reportages courageux.

Nous savons bien qu’il existe des forces politiques et culturelles qui réclament davantage de privatisation ; ils soutiennent que l’achat de produits a plus d’attraits financiers que la production, mais ne parlent pas de ce que nous risquons de perdre. Nous redoutons donc que la révision, si elle n’est pas effectuée de façon objective et transparente, ne mène à un étranglement de CBC/Radio-Canada, avec un risque accru pour les productions originales, les capacités journalistiques et les emplois.

3.Le financement de CBC/Radio-Canada doit être accru – À l’heure actuelle, le financement de CBC/Radio-Canada se situe à environ 29 $ par an et par Canadien-ne. Or, en raison de son rôle essentiel et de sa capacité à unir les Canadiens, nous continuons d’affirmer que la solution réside dans un financement approprié et non dans l’amoindrissement de son rôle pour faire des économies.

La Guilde continue d’exercer des pressions auprès du gouvernement fédéral pour qu’il augmente le financement de base de CBC/Radio-Canada en commençant par porter ce financement à 43,50 $ par Canadien, ce qui ne représente toujours que la moitié de ce que les diffuseurs publics des autres pays démocratiques développés obtiennent en moyenne (soit 87 $ par habitant).

4.Publicité :Il y aura des discussions sur la publicité et sur la mesure dans laquelle le diffuseur public devrait diffuser des annonces publicitaires, comme le font les radiodiffuseurs privés. Étant donné le bas niveau du financement de CBC/Radio-Canada, on comprend bien pourquoi la publicité est nécessaire.

Peu de Canadiens savent que les réseaux privés qui continuent de réclamer de telles discussions reçoivent eux-mêmes des centaines de millions de dollars à titre d’aides publiques (en anglais)

Tout comme de nombreux acteurs de l’industrie, nous appuyons les propositions demandant le recours à une politique de crédits d’impôts pour appuyer la publicité dans les médias d’ici ainsi que toute autre incitation fiscale en faveur des actualités et de la programmation canadiennes.

Rappel : Avec cette révision demandée par la ministre du Patrimoine, la députée libérale Hedy Fry, présidente du Comité permanent du Patrimoine canadien de la Chambre des communes, dirige une étude séparée sur la situation des actualités locales (article en anglais). En mars dernier, la Guilde s’est présentée devant ce comité pour parler de la valeur des actualités locales ainsi que des problèmes rencontrés par les travailleurs des médias. Nous avons aussi souligné que les diffuseurs provinciaux d’émissions éducatives comme TVO et tfo ainsi que l’APTN, qui jouit d’un prestige international, jouaient un rôle décisif en contribuant à l’expression de la diversité, nécessaire à la bonne santé du système médiatique, et qu’ils avaient besoin d’un soutien adéquat en termes de réglementation et de financement.

Nous nous attendons à ce que les résultats de cette révision des actualités locales seront eux aussi incorporés dans la révision du système tout entier voulue par Mme Joly.

Voici donc quelques une des raisons pour lesquelles nous sommes activement engagés dans ce processus. Nous espérons que la révision favorisera l’épanouissement du paysage médiatique et culturel du Canada, qu’elle renforcera les capacités journalistiques et qu’elle donnera à CBC/Radio-Canada les moyens de continuer à remplir son rôle essentiel auprès des Canadiens, et ce, sur toutes les plateformes. Nous demandons à ce que les décisions soient fondées sur des principes et des données solides, sans être indûment influencées par l’intervention d’acteurs puissants favorables à une augmentation des profits et peu soucieux de l’intérêt public.

Carmel Smyth, présidente de la Guilde

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