Par Tayo Bero, membre de la Guilde qui travaille à CBC
Depuis quelques années, la diversité est un thème récurrent dans les médias. Tant les membres du public que les médias eux-mêmes dissertent régulièrement sur les raisons pour lesquelles il est important de présenter des reportages reflétant la diversité croissante de nos villes, de nos collectivités et de notre pays. En tant que médias, nous reconnaissons collectivement que les salles de rédaction peuvent et doivent mieux faire en ce qui concerne les personnes qu’elles représentent et la façon dont elles s’acquittent de leur tâche. Toutefois, il est fréquent que cette prise de conscience ne débouche sur rien de concret. Un récent appel à l’action (en anglais) lancé par le groupe Canadian Journalists of Color (CJOC) et la Canadian Association of Black Journalists (CABJ) rappelle le fait bien connu que la diversité raciale de ce pays n’est pas reflétée dans les salles de rédaction canadiennes. Tout en reconnaissant que les médias ont récemment fait des efforts pour combler les disparités dans la façon dont ils présentent les diverses communautés, le rapport signale qu’une « inégalité raciale flagrante » subsiste.
Pour les travailleurs pigistes et les employés temporaires des organes de presse, la situation est encore plus délicate, puisque ces catégories de travailleurs comptent souvent un nombre disproportionné de personnes de couleur. Une grande partie de ces intérimaires sont confrontés à des problèmes allant de l’absence de couverture médicale et autres avantages sociaux dont jouissent généralement les employés permanents à – ça va de soi – la précarité générale qui accompagne ce genre de travail.
Il faut bien se rendre à l’évidence : l’industrie des médias n’est plus ce qu’elle était et le coût financier, émotionnel et parfois même physique d’un tel emploi précaire est souvent élevé.
Avec le déclin constant des emplois permanents dans le monde du journalisme, l’émergence d’une classe de travailleurs pigistes bien plus large était quasiment inévitable. Et malgré l’instabilité qui accompagne le travail occasionnel, bon nombre d’entre nous faisons de notre mieux pour en tirer le meilleur parti, notamment obtenir une expérience professionnelle, et s’essayer à divers types de tâches afin de se faire une bonne idée de ce qu’on aime et de ce en quoi on excelle. Mais ce n’est pas une situation idéale et nous sommes tous à la recherche de quelque chose de stable.
En tant qu’employée temporaire à CBC, j’ai eu l’occasion de réaliser des émissions d’information locales ainsi que des émissions sur de grandes questions d’actualité. J’ai travaillé dans plusieurs villes où j’ai acquis une foule de connaissances et une grande expérience pratique, et j’ai noué des relations fructueuses que je conserverai tout au long de ma carrière et pour le restant de ma vie. J’ai également connu une telle variété de conditions de travail en équipe et de styles de gestion que je peux maintenant m’adapter avec bien plus d’aisance à toute nouvelle dynamique professionnelle. Cependant, comme l’ont souvent fait remarquer nombre de mes collègues de couleur occupant des emplois précaires, un tel système ne joue pas en notre faveur, et ce, pour de nombreuses raisons.
En matière d’inclusion, notre travail de journalistes consiste à rechercher la vérité et à découvrir les faits, et ce travail devient impossible quand tant de personnes aux identités et aux expériences variées n’ont pas voix au chapitre. Et il ne s’agit pas seulement des réalisateurs, des reporters et du personnel d’antenne de nos organes médiatiques : il faut également que le changement atteigne les hautes directions des organes de presse canadiens et qu’une plus grande diversité de personnes facilitent ce travail si essentiel.
Les CJOC ont dressé une liste de recommandations à l’intention des salles de rédaction canadiennes. Au nombre de ces recommandations figurent l’auto-évaluation régulière de leurs données démographiques, la consultation officielle et continue des communautés racisées sur la couverture de l’actualité et la prise de mesures délibérées pour faire en sorte que la représentation de ces communautés cesse d’être cantonnée aux séances de formation et autres ateliers d’entreprise.
Il existe bien d’autres façons, pour les organes médiatiques, d’appuyer la diversité, puisque nous apportons déjà nos compétences et nos connaissances dans les salles de rédaction. Il pourrait s’agir, par exemple, de veiller à ce que les personnes de couleur (et plus particulièrement les employés temporaires) aient accès à de la formation utile et à des possibilités de perfectionnement, ou encore de les aider à postuler des emplois permanents. Il est également essentiel que les salles de rédaction prennent des mesures proactives pour s’assurer qu’elles sont vraiment à l’écoute de l’ensemble de la communauté, qu’elles recherchent l’expertise des journalistes de cette communauté en dehors des sujets qu’ils couvrent actuellement et qu’elles leur offrent de meilleures occasions de progresser dans leur carrière.
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