Après avoir frôlé le gouffre financier, un spectre qui a plané sur toute la ronde des négociations, La Presse Canadienne croit pouvoir dégager des profits dès 2012. Une situation qui questionne le rapport de force.
Le 10 février, le comité de négociations de la Guilde à La Presse Canadienne invitait ses membres à dire «Non, merci!» aux offres patronales. Les demandes suggéraient des compressions de 4 millions de dollars, des baisses de salaires qui auraient pu être supérieures à 10 pour cent, des mises à pied se profilaient, sans compter des reculs dans les conditions de travail.
Le 8 mars, une entente de principe a été convenue entre les parties. L’entente de trois ans prévoit des augmentations salariales globales de 4%. En revanche par contre, les employés devront assumer une partie des primes d’assurance médicale et d’ILD dont les prestations ne seront plus imposables. À elles seules, ces primes représentent une diminution du chèque de paie durant la première année de mise en oeuvre de la nouvelle convention. Pour un employé à temps plein, cela représente une perte de revenu annuelle de 1300$ à 1820$ (50$ à 70$ par paie).
Les employés ont aussi accordé à l’employeur de ne pas leur verser des intérêts sur un prêt de près de 5 millions de $, qui représente les sommes non versées dans le fond de pension des employés. Les intérêts ne seront pas versés non plus durant la durée de la convention.
Le compromis des employés atteint 2,5 millions de $. La nouvelle convention a été ratifiée à 83% et l’entreprise a annoncé qu’il n’y aurait pas de mises à pied en 2012. Les dirigeants ont aussi suggéré que 2012 restera une année charnière et difficile, mais que doucement, La Presse Canadienne effectue un virage qui la mènera vers la profitabilité.
Or voilà, il semble que le virage a été plus rapide que prévu.
Le 7 mai, La Presse Canadienne a confirmé l’obtention d’un contrat de trois ans avec Postmedia Network. Cette entente a été menée rondement depuis 18 mois, elle était donc à se conclure lors des négociations du début de l’année 2012.
Postmedia revient dans le giron de La Presse Canadienne, à n’en pas douter, il s’agit d’une bonne nouvelle pour stabiliser les opérations de l’entreprise.
Pourtant, l’arrivée de ce contrat aurait certainement pu ou dû contribuer à reconsidérer la situation financière de l’entreprise, et sans doute, éviter certains sacrifices à la table de négociation. C’est du moins le sentiment qui se dégage à la suite d’une entrevue du co-président de La Presse Canadienne, Jim Jennings, dans le Globe and Mail.
«Jim Jennings said there are no plans to hire more journalists. But the deal will mean that the newly privatized company will post a profit this year.»
Cette profitabilité n’avait jamais été évoquée avant ce jour pour 2012.
Le retour de Postmedia n’était pas un grand secret; plusieurs employés en parlaient. La tactique, décrite comme celle de « shock and awe » avait été perçue par plusieurs comme un bluff. Il semble que le bluff ait fonctionné.
La célébration du retour de Postmedia est ainsi reçue, à l’interne, avec un certain arrière-goût.
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Lise Millette est journaliste à La Presse Canadienne et membre de la Guilde canadienne des médias.