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Pourquoi la concentration de la presse est-elle un tube de dentifrice?

Il m’arrive à l’occasion de prendre la parole sur des panels qui s’intéressent aux questions liées au journalisme, à l’élaboration d’un titre professionnel et à l’éthique journalistique. Invariablement, j’en viens à expliquer que peu importe le problème initial, la concentration de la presse n’est jamais très loin dans le décor.

Et la concentration médiatique, elle s’illustre comme ceci :

Voici, sommairement, comment s’est jouée l’histoire, lorsqu’un jour, une voix a demandé : « Et si je pressais un peu le tube? ». Étrange demande aux yeux de plusieurs qui ont émis des réserves. Les plus alarmistes ont crié à la menace d’un gâchis dont le contrôle et les dérives, encore incertains, n’annonçaient rien de bon.

Mais les voix les plus déterminantes, celles qui détenaient l’autorité, n’ont pas opposé de freins. Alors le tube a été pressé. Une fois, une seconde, puis encore davantage.

C’était peut-être en 1996, en Saskatchewan, le Leader Post et le Star Phoenix ont été acheté par Hollinger. Il n’aura pas fallu 60 jours à Conrad Black pour obtenir la majorité de l’actionnariat et de sabrer 170 postes, obtenant le monopole médiatique dans cette province.

Déjà, il était question des craintes liées à la concentration de la presse, qui forcément, a fini par avoir un impact sur le travail et sur le sens de l’activité journalistique. Depuis, l’art de faire la nouvelle est devenu une activité secondaire, qu’un rouage dans les grands empires.

Alors, on a tenté de colmater un peu l’ouverture en raison du dégât généré par l’étendue de la pâte libérée. « Peut-être aurions-nous dû contenir un peu ? ».

Sauf qu’il était trop tard. La pâte dentifrice ne pouvait et ne pourra revenir dans le tube. Démanteler des empires, comme le souhaite certains chroniqueurs, n’implique pas qu’un courage politique. Et à l’ère d’un décloisonnement des plate-formes et des usages freiner le train devient une entreprise pratiquement irréalisable.

Ainsi, près de 20 ans après les acquisitions d’Hollinger, faut-il s’étonner de voir la presse s’inquiéter des effets pervers de l’absence de volonté initiale qui a pour corollaire la donne suivante chez le public : peut-on encore faire confiance aux médias?

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Lise Millette est journaliste à La Presse Canadienne et membre de la Guilde canadienne des médias.

Crédit image: Paul Therrien http://paulemique.blogspot.com/

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