Le secteur des médias traverse une période de grandes mutations. La transition actuelle au numérique, qui se traduit par des suppressions d’emplois, un accroissement des charges de travail et des attentes professionnelles contradictoires, continue de mettre les travailleurs à rude épreuve. Et alors que nous sommes la génération de travailleurs des médias la plus polyvalente qui ait jamais existé, nous sommes de plus en plus vissés à nos chaises, voués à surfer le Web à la recherche de contenus à réadapter, et nous avons de moins en moins de temps pour créer des productions originales ou pour enquêter sur le terrain.
La nature de notre travail a changé et nous aussi, nous sommes différents. Nous avons plus que jamais conscience de l’importance du journalisme de qualité et nous nous rendons compte qu’il nous faut lutter pour que ce travail continue à être fait. Nous savons mieux que jamais que les emplois précaires ne sont pas propices à un journalisme audacieux et qu’il nous faut lutter pour des emplois permanents. Nous comprenons mieux que jamais l’importance du mentorat et nous incitons les journalistes chevronnés à préparer la relève.
Nous avons aussi découvert qu’un grand nombre de Canadiens nous soutiennent, accordant une grande importance aux médias publics et privés sur lesquels ils comptent pour se tenir informés. C’est ainsi que les sondages ont révélé que l’an passé, l’appui du public à Radio-Canada/CBC s’était accru, ce qui s’explique en grande partie par la qualité de votre travail et aussi, dans une moindre mesure, par les efforts accrus de la Guilde pour cimenter des alliances et exercer des pressions sur les politiciens.
Et dans un affrontement à la David et Goliath, les membres de la Guilde de la station de radio privée MBS Radio de Saint-John, au Nouveau-Brunswick, ont signé leur première convention collective au terme de près de deux ans de grève. Le courage des « sept grévistes de Saint-John », bien déterminés à obtenir des conditions de travail décentes, a été une grande source d’inspiration pour les syndiqués de tout le Canada.
Certes, nous avons aussi connu des revers, en particulier un débat national très médiatisé sur le harcèlement. Le harcèlement au travail est un comportement inacceptable sous toutes ses formes. En tant que syndicat progressiste (fier d’avoir mené la charge sur le droit des couples homosexuels aux avantages sociaux, qui a abouti, en 1995, à une décision historique), cela fait plus de 10 ans que nous avons une politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement. Toutefois, comme l’ont montré les événements récents, le fait d’avoir une politique en place n’est pas toujours suffisant dans la pratique. Nous sommes décidés à apporter des améliorations à cet égard et cherchons les moyens de veiller à ce que vous soyez en sécurité sur vos lieux de travail et y trouviez l’aide dont vous avez besoin. Nous vous remercions d’avance de votre appui et de votre patience pendant que nous nous pencherons sur cette question. Nous vous tiendrons au courant des développements au cours des prochains mois.
Nous demeurons extrêmement préoccupés par les suppressions de postes dans tous nos lieux de travail et soucieux de trouver des emplois de rechange pour tous ceux qui ont été mis à pied. À Radio-Canada/CBC, les compressions de l’an passé ont été particulièrement alarmantes, avec un effet destructeur et possiblement irréversible, puisque des unités entières ont été démantelées. Cette crise nous a poussés à nous engager davantage sur le plan politique, en exerçant des pressions sur les politiciens, en participant à des rassemblements et en œuvrant avec divers supporteurs à l’echelle du Canada.
À La Presse Canadienne, Thomson Reuters, TFO et TVO où nous sommes en négociations cette année pour de nouvelles conventions collectives, la question des investissements intelligents dans le personnel sera à l’avant-plan, car ce sont de tels investissements qui permettront de continuer à fournir aux Canadiens des informations auxquelles ils puissent se fier.
La sécurité de l’emploi est notre premier objectif, mais nous continuerons également de mettre l’accent sur la nécessité de changement du climat politique afin que les gouvernements futurs respectent leurs engagements à l’égard du plus grand organisme de presse du Canada. Nous sommes optimistes puisque deux partis fédéraux ont ouvertement déclaré leur soutien à un financement accru et à l’autonomie pour Radio-Canada/CBC, et que plusieurs sondages ont révéler un intérêt accru du public pour le diffuseur public.
Un temps fort a été la grande manifestation de novembre, à Montréal, où des milliers de citoyens ont exprimé leur indignation face aux compressions à Radio-Canada/CBC. Nous continuons de lutter, en collaboration avec de nombreux acteurs de la société civile et collègues syndiqués, pour obtenir un financement accru, protéger l’indépendance journalistique et faire adopter un nouveau mode de sélection du président/de la présidente et du conseil d’administration de Radio-Canada/CBC. À cette fin, nous avons engagé du personnel qui se consacrera exclusivement à placer CBC/Radio-Canada au cœur des débats électoraux .
Parallèlement, nous continuons d’exhorter le CRTC à faire du soutien à la programmation locale (nouvelles locales incluses), aux émissions canadiennes et à l’avenir des radiodiffuseurs du service public tels que Radio-Canada/CBC, l’APTN, TVOntario et TFO, une véritable priorité.
Pour terminer, j’aimerais vous demander votre aide. En cette année d’élections, je vous invite à exiger que la personne pour qui vous voterez se prononce clairement en faveur de la transparence et de la liberté de la presse et qu’elle défende Radio-Canada/CBC. En tant qu’ancienne reportrice, je comprends que cela ne puisse pas être possible pour tout le monde, mais imaginons que tous nos amis et tous les membres de nos familles fassent de même : quel beau message d’unité et d’engagement ce serait! À n’en pas douter, nous sommes à un moment charnière.
Merci de votre soutien,
Carmel
Carmel Smyth
Présidente nationale, La Guilde