Par Dan Oldfield
« La désobéissance civile devient un devoir sacré lorsque l’État devient corrompu et qu’il ne respecte pas les lois. »
— Mahatma Gandhi
Les travailleurs ont un droit fondamental de protester en refusant de travailler. Il s’agit d’un droit légal qui vise à assurer que les négociations des conditions de travail et des salaires entre employés et employeurs s’effectuent sur des bases justes et équitables. Or, la demande faite par le gouvernement fédéral auprès du Conseil canadien des relations industrielles, qui vise à empêcher les agents de bord d’Air Canada d’entreprendre des moyens de pression parfaitement légitimes, constitue une manoeuvre unilatérale pour nous priver d’un droit collectif fondamental. Qui plus est, la commission des relations de travail semble endosser une telle attitude.
Le gouvernement fédéral fait fi des règles établies et entreprend de priver les citoyens canadiens de leurs droits. Ce faisant, il entache la réputation de notre pays, considéré comme un modèle en matière de respect des droits de la personne.
Lorsque le gouvernement ignore les lois établies et que les agences gouvernementales qui furent mises en place afin de faire respecter ces lois font tout le contraire, nous sommes tous perdants. S’ils se permettent de nous priver de ce droit en particulier, pourquoi s’empêcheraient-ils de nous en retirer d’autres?
Et si le gouvernement et ses agences ne respectent aucune règle établie, pourquoi s’empêcherait-on de les imiter?
Un porte-parole de la commission des relations de travail (autre que le président du conseil, incidemment) a affirmé que le ministre du Travail a le droit d’empêcher ou de mettre fin à des moyens de pression. Pour valider une telle affirmation, la commission s’appuie sur deux sections du Code canadien du travail, soit la Section 87.4 (sous-section 5) ainsi que la Section 107, au titre ironique de « Promotion de la paix industrielle ». Or, après une lecture approfondie, rien dans ces deux sections n’accorde au ministre du Travail le pouvoir unilatéral de priver les employés de leur droit de faire la grève.
La Section 87 n’autorise aucunement le gouvernement d’empêcher le déclenchement d’une grève permise par la loi. Elle aborde simplement la question des services essentiels. Or, l’employeur, soit Air Canada, n’a jamais cherché à définir le travail accompli par les agents de bord comme étant un service essentiel. Le contraire serait absurde, puisque le fait d’empêcher le déclenchement d’une grève chez Air Canada n’a absolument rien à voir avec le fait de « prévenir un risque sérieux et immédiat à la sécurité ou la santé du public ».
Quant à la Section 107, celle-ci accorde au ministre le droit de prendre des décisions favorisant la paix sociale et le règlement de conflits de travail. Le ministre peut transmettre le dossier d’un conflit particulier à la commission des relations de travail; toutefois, il n’a nullement le droit d’empêcher le déclenchement d’une grève.
De toute évidence, nous sommes gouvernés par un groupe de politiciens pour qui la primauté du droit n’a que très peu d’importance. Si une lutte pour faire respecter la loi est tout à fait justifiée — une lutte à laquelle nous devons prendre part —, on ne peut espérer une résolution qu’au bout de plusieurs années. Or, passablement de dommage peut être causé durant ces années. En tant que citoyens, nous avons le devoir de nous opposer à une telle attitude dictatoriale de la part de nos politiciens. Comme le disait Gandhi, c’est notre devoir sacré. Si la désobéissance civile est la seule façon de faire entendre notre mécontentement, alors nous désobéirons… civilement.
Dan Oldfield est premier conseiller syndical à la Guilde canadienne des médias. Il compte plus de 30 ans d’expérience dans le secteur des relations de travail au Canada.