Tout le monde a une opinion au sujet de Radio-Canada. En fait, il est fort probable qu’aucune autre institution nationale ne provoque autant de débat de Rimouski à Rankin Inlet, en passant par Red Deer, que ce soit en français, en anglais ou en, au moins, 8 langues autochtones. Même les gens qui disent détester la SRC semblent aimer parler d’elle.
Dans le contexte politique actuel, la plus importante institution culturelle du pays est considérée comme une question qui sème la division par beaucoup trop de parlementaires qui sont ultimement responsables de cette société d’État. Ils tentent de marquer des points politiques auprès de leurs mandants en leur disant ce qu’ils veulent entendre au sujet de la SRC, que ce soit positif ou négatif.
Le Parlement devrait au lieu financer davantage la SRC dans le cadre de son plan de relance économique. L’information et les idées sont plus importantes que jamais. L’amélioration de l’infrastructure publique qui aide à l’échange de cette information et de ces idées devrait être une évidence.
Mais non. Tout ce qu’on entend ce sont des platitudes au sujet de la récession qui ne veulent rien dire. Tout le monde est en train de la subir. La SRC doit passer dans le tordeur comme tout le monde.
Que diriez-vous de quelques faits ?
Depuis plusieurs années déjà, le budget de la SRC/CBC se chiffre à environ 1,4 milliard de dollars, si on inclut les revenus publicitaires. Et bon an, mal an la Société doit sabrer dans les dépenses de ses 79 stations de radio, de ses 28 stations de télévision, de ses 4 services offerts par câble et de ses sites Web à cause de l’inflation. Ces services sont offerts dans les deux langues officielles, en plus du service du Nord qui offre une programmation en 8 langues autochtones.
Pendant ce temps, Canwest a exploité l’an dernier tous ses quotidiens de langue anglaise (15, incluant les publications gratis), 14 stations de télévision, 21 services offerts par câble et leur site Web canada.com avec un budget d’environ 1,7 milliard de dollars.
Le gouvernement n’est peut-être pas au courant. Il s’agirait de l’explication la plus sensée pour expliquer ce commentaire du 25 février d’un porte-parole du ministre du Patrimoine canadien : « On s’attend à ce que la SRC se serre la ceinture comme tous les autres diffuseurs ». Pardon ?!
En 1990-1, la SRC/CBC a reçu du Parlement presque 1,1 milliard de dollars. En dollars d’aujourd’hui, ça représente 1,5 milliard de dollars. Mais combien recevra la SRC/CBC cette année ? Environ 1,1 milliard de dollars.
Et pourtant.
Les attentes sont de plus en plus grandes envers la SRC/CBC. En 1991, la Toile n’existait pas. Ensuite, il y a eu les compressions budgétaires et puis après l’avènement des nouveaux médias. Toutes les productions de sites Web ont été réalisées après la cure d’amaigrissement du diffuseur public.
À la suite des compressions du milieu des années 1990, la direction de la Société a décidé de sabrer dans la télévision régionale. Quelque chose allait flancher et il est évident que la chose la plus facile à faire était de centraliser l’exploitation du réseau. En 2007, cette décision a été renversée. Les téléjournaux de début de soirée des stations régionales revenaient à une durée d’une heure…sans ressources additionnelles.
Le Comité permanent du Patrimoine canadien a finalement vu la réalité en face. Il y a un an, ce Comité a recommandé au gouvernement de signer un protocole d’entente de 7 ans avec la SRC/CBC qui reconnaît tous les services importants que fournis le diffuseur public. Ce protocole d’entente aurait inclu une augmentation de subvention, passant de 34 dollars par année par Canadien à 40 dollars.
Jusqu’à présent, rien de tout cela ne s’est concrétisé. Les ceintures sont tellement serrées dans les stations régionales qu’ils ont peine à respirer.
Et pourtant.
Nous avons besoin plus que jamais de ces stations régionales. Au cours du dernier mois seulement, les entreprises médiatiques privées ont procédé à l’annonce de plusieurs mises à pied dans leurs salles de rédaction télé et dans leurs quotidiens, en plus de leur intention de fermer des stations. CTV va fermer sa station de Brandon, au Manitoba ainsi que celles de Wingham et Windsor, en Ontario. Canwest tente de vendre les cinq stations de son réseau E! à Montréal, Hamilton, Red Deer, Kelowna et Victoria. L’entreprise a déclaré que si elle ne trouvait pas d’acquéreur, elle pourrait tout simplement fermer les stations en question. Les stations de radio se tournent de plus en plus vers un format musical et de bavardage.
Pour un nombre grandissant de personnes, la SRC/CBC est le seul espoir d’entendre le nom de sa ville lors d’un bulletin de nouvelles, à moins d’une tragédie grave. Les gens ont de moins en moins de choix s’ils veulent savoir ce qui se passe à leur conseil municipal et à leur commission scolaire ou ce qui se passe avec les entreprises et les services locaux sur lesquels ils doivent compter. Il est aussi alarmant de constater qu’il reste très peu de gens qui sont payés pour poser les vraies questions afin d’assurer l’imputabilité de nos dirigeants.
Comme le faisait remarquer récemment le chroniqueur de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, en réaction aux compressions dans la salle de nouvelles de la station locale CJRC en faveur d’une programmation davantage axée sur la musique, « Faire de l’information ne paie pas et, comme ça arrive trop souvent, les entreprises privées ne se reconnaissent aucune responsabilité autre que celle de faire de l’argent, alors elles coupent dans l’utile pour garder l’agréable. »
Il poursuit en disant que si la tendance se maintient, il ne restera plus que le diffuseur public pour couvrir la nouvelle. Mais si le gouvernement n’agit pas, cette affirmation ne sera qu’une idée chimérique.