Les réactions à la victoire électorale des conservateurs se sont exprimées de façon typiquement canadienne: un optimisme prudent face à l’imputabilité du gouvernement mêlé à une appréhension modérée au sujet de la direction idéologique de droite que prendra le pays sous la gouverne des troupes de Stephen Harper. Après quelques semaines au pouvoir, les conservateurs ont réitéré leur intention d’aller de l’avant avec une panoplie de promesses faites pendant la campagne qui prône des idées de droite malgré son statut de gouvernement minoritaire.
Le projet de vouloir annuler la récente entente sur les garderies signée par les provinces l’automne dernier et de remplacer ce plan par une «Allocation pour le choix en matière de garde d’enfants » a suscité la controverse et retenu l’attention des militants des droits des enfants et des premiers ministres provinciaux qui tiennent à conserver l’entente signée avec le précédent gouvernement fédéral. Cette question pousse certains citoyens à se préparer à une chaude lutte concernant le type de soins que méritent nos enfants.
La question des garderies est encore bien présente à l’esprit de plusieurs membres de la Guilde qui ont subi l’an dernier le lock-out à la SRC/CBC. Au cours de cette période de deux mois, plusieurs parents ont dû se démener pour trouver les frais de garderie pour leurs enfants ou ils ont eu à faire de nouveaux arrangements pour les faire garder. Au début du conflit, certains parents arrivaient sur le piquet de grève avec leurs enfants par manque de choix. À Toronto, la vice-présidente locale de la Guilde, Carrie May, et la conseillère municipale de l’époque, Olivia Chow, venaient en aide aux membres de la Guilde qui étaient au prise avec un problème de garderie.
« Cette situation a mis en évidence le besoin pour des services de garderie adaptés et de qualité », a déclaré May. Elle a ajouté que lors du lock-out, les membres de la GCM ont eu un aperçu de ce que vivent à longueur d’année les Canadiens à faible revenu. « Ces parents auraient pu perdre leur place en garderie, ce qui les relèguerait à une liste d’attente. De là, les inquiétudes sur le nombre de kilomètres qu’ils auraient à voyager à la garderie à tous les jours. Imaginez maintenant les gens qui ont deux et même trois boulots. Certaines personnes ne peuvent même pas se permettre d’aller travailler.»
Même si le lock-out était une situation exceptionnelle, il met en relief le besoin pressant pour plus de places en garderie à coût modique, particulièrement dans les centres urbains du pays. Cet événement nous rappelle aussi qu’il s’agit là d’une question importante pour les syndicalistes de partout au pays.
Olivia Chow va bientôt siéger à Ottawa en tant que députée néo-démocrate de la circonscription torontoise de Trinity-Spadina.
« Ce gouvernement est en position de faiblesse car il est minoritaire. Nous allons donc travailler avec les députés des autres partis pour nous assurer que le système de garderies n’est pas remis en question et que ce dossier continue de progresser », a déclaré madame Chow à la Guilde. « De plus, nous allons travailler étroitement avec les gens du milieu, les parents et les provinces pour que cette question reste d’actualité. Nous allons continuer nos pressions sur le gouvernement. »
Même si l’entente de 5 ans évaluée à 5 milliards de dollars du gouvernement libéral n’était pas parfaite, elle était néanmoins perçue comme un pas dans la bonne direction. Selon le Conseil canadien de développement social, les 250 000 nouvelles places en garderie ne comblaient qu’environ un cinquième des besoins réels. Au moment de la signature, même les conservateurs ont trouvé l’entente acceptable. Ils ont dit qu’ils honoreraient l’entente s’ils étaient portés au pouvoir.
Mais tout a changé au cours de la campagne électorale. Lors de la course, le Parti conservateur du Canada a présenté un plan qui verrait les parents recevoir 100$ par mois par enfant de moins de six ans. D’un point de vue idéologique, la vision conservatrice de la garde des enfants colle à une de leurs grandes priorités : limiter les dépenses du gouvernement en matière de programmes sociaux au profit d’une approche axée sur l’individualisme et le secteur privé.
Malheureusement, le plan des conservateurs ne répondra pas aux besoins de garde des enfants dont les parents sont au travail ou aux études. La somme promise aux parents équivaut à une fraction seulement du coût réel des soins de garde de qualité. Au début de l’année 2005, un reportage de la CBC a trouvé que les frais de garde pour un nourrisson s’élevaient à 800$ par mois dans certains endroits du Canada. Ces coûts pour un enfant de 6 ans et plus étaient d’au moins 227$ par mois.
Malgré la déclaration du 27 janvier de Stephen Harper qui affirme que l’entente précédente est dorénavant « nulle », les supporters du programme ne se laisseront pas abattre. Le lendemain de l’assermentation de monsieur Harper, des membres de l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance (ACPSGE) et des syndicalistes ont tenu une vigile devant la résidence du premier ministre à Ottawa. Bien que la démonstration de la promenade Sussex ait été la seule manifestation publique contre le projet des conservateurs, elle fait suite à une vague d’opposition qui dure depuis les deux dernières semaines et demi. Le 27 janvier, la présidente de l’ACPSGE, Debra Mayer, a répondu au premier point de presse de Stephen Harper en avertissant les conservateurs que la majorité n’était pas de leur côté. « 64% des Canadiens ont voté pour des partis politiques qui appuient l’entente sur les garderies (…) le nouveau gouvernement doit revenir sur sa décision d’annuler l’entente qui prévoit des ressources financières fédérales destinées au système de garderies. »
Les premiers ministres de l’Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Saskatchewan ont lancé des appels publics au nouveau gouvernement pour qu’il respecte l’entente conclue avec le gouvernement précédent. D’autres appels sont venus de la province de Stephen Harper alors que le groupe Public Interest Alberta fait remarquer que le financement du système de garderies albertain est le plus bas au pays. De plus, une conseillère en matière de garderie du premier ministre Gordon Campbell de la Colombie-Britannique a démissionné le 7 février pour protester contre le silence de son patron depuis les élections fédérales.
Pendant ce temps, le président du Syndicat canadien de la fonction publique, Paul Moist, qui représente des employées de garderies partout au pays, croit que Stephen Harper a le devoir de respecter les ententes signées de bonne foi avec les provinces et « de ne pas toucher » à l’entente existante.
Il est encore trop tôt pour savoir si les initiatives des militants et politiciens qui appuient un système national de garderies vont créer un mouvement populaire qui fera reculer le gouvernement conservateur. Mais il n’y a pas de doute que l’enjeu est énorme et cet enjeu porte sur le type de société dans laquelle nous voulons vivre. Récemment, les membres de la Guilde ont démontré leur efficacité en tant que militants lorsque le temps est venu de lutter pour ce qui nous tient à cœur contre un adversaire déterminé à imposer sa volonté à tout prix. La lutte pour l’obtention d’un système de garderies, qui affecte presque tous les Canadiens, ressemble beaucoup au combat qui a eu lieu à la SRC/CBC. Les membres de la GCM de partout au pays peuvent contribuer énormément à cette nouvelle cause.
Alec Forbes est un militant à la Guilde qui travaille à la CBC à Toronto