Et puis, l’hiver dernier, une lueur d’espoir est apparue.
Nous avons tellement l’habitude de lire des manchettes déprimantes en provenance du monde entier au sujet de l’état du journalisme et des syndicats, et du sort des journalistes et des syndicalistes, qu’il est tentant de détourner le regard. Et puis, l’hiver dernier, une lueur d’espoir est apparue.
Le 21 janvier, le journaliste tunisien, Fahem Boukadous, a été remis en liberté une semaine après la chute de la dictature. Il avait été condamné en juillet dernier à 4 ans de prison après avoir couvert des manifestations qui s’étaient déroulés en 2008 dans une région minière, près de Gafsa.
Même si la Tunisie est une alliée de longue date des démocraties comme les Etats-Unis et la France, ce pays ne jouit pas de la liberté de presse ou d’un mouvement syndical indépendant. Les dirigeants de ces deux secteurs ont tous des liens étroits avec l’ancien président, Zine el-Abidine Ben Ali. Les nouvelles provenant de l’intérieur et de l’extérieur du pays avaient tendance à focaliser sur la stabilité et la satisfaction envers ce régime.
Les manifestations populaires, qui ont pavé la voie au départ de Ben Ali le 14 janvier, semblent, du moins de loin, tomber des nues. En apparence, on dirait des événements imaginés par des jeunes agitateurs à l’aide des médias sociaux. Dans la réalité, les manifestations de Gafsa de 2008 sont le résultat d’un regain, sur une période de dix ans, du militantisme au sein du mouvement syndical tunisien et d’autres organisations populaires. Des employés du secteur public, notamment les enseignants, ont joué un rôle crucial dans ces événements.
Des journalistes courageux comme Fahem Boukadous ainsi que d’innombrables individus utilisant Facebook et Youtube ont fait fi de la censure et ils ont diffusé des histoires de résistance au régime de Ben Ali et de retombées de la crise économique mondiale. Ce sont des reportages provocants au sujet de l’immolation tragique d’un vendeur de fruits sous-employé de Sidi Bouzid, près de Gafsa, qui a été à l’origine des manifestations populaires en Tunisie et ailleurs dans la région.
Tout près, en Égypte, ce sont des travailleurs qui ont été le moteur derrière la révolution qui a mis un terme, en février, au règne de 30 ans du président Hosni Moubarak. Le groupe d’opposition « 6 avril », un de ceux qui ont amorcé l’organisation des manifestations populaires, a été formé en guise de solidarité pour commémorer une grève générale qui avait eu lieu à la même date en 2008. Des travailleurs égyptiens des secteurs industriel et public organisent depuis les 10 dernières années des syndicats et des associations indépendants à l’extérieur de la sphère de la fédération des syndicats qui est soutenue par l’État. Et le 30 janvier, au beau milieu du soulèvement, les syndicats indépendants ont formé leur propre fédération sur la Place Tahrir du Caire.
Veuillez envoyer un message de soutien aux syndicalistes qui font face à la répression au Bahreïn.
Entretemps, les journalistes et les radiodiffuseurs en Tunisie et en Égypte ont été occupés. Tout juste après le départ de Ben Ali en janvier, les journalistes de langue arabe et française des quotidiens contrôlés par l’État ont renvoyé leurs directeurs et ils ont mis sur pied des comités éditoriaux qui veillent à la prise des décisions. Quant aux journalistes égyptiens, ils ont débrayé pour prendre part aux manifestations afin de ne pas être forcés de « rapporter » des faussetés au sujet du soulèvement dans le pays.
Des chercheurs du domaine des communications de l’Université du Caire ont hâtivement organisé à la fin mars une conférence internationale pour « évaluer différents choix de systèmes de média et de communications démocratiques pour l’Égypte » et pour « développer un modèle de libre circulation de l’information et des opinions à l’intérieur et à l’extérieur du pays ainsi que dans tous les secteurs de la société égyptienne. »
Nous aimons bien au Canada nous vanter de notre réputation en matière d’indépendance des médias et de droits de la personne. Mais nous devons rien tenir pour acquis. Comme en font foi les événements de juin dernier au Sommet du G-20 à Toronto, il faut lutter et faire preuve de vigilance pour assurer la survie de la liberté d’expression et de réunion. Il faut aussi mentionner l’appel de journalistes canadiens qui sont inquiets du manque de transparence du gouvernement fédéral (voir autre article dans ce numéro). La déclaration, signée l’été dernier par l’exécutif de l’Association canadienne des journalistes, énumère les stratégies utilisées par le gouvernement qui font obstruction aux activités journalistiques. Elle exhorte les rédacteurs en chef et les journalistes à en faire davantage pour dénoncer et contourner ces stratégies.
Les journalistes canadiens ne courent pas souvent le risque d’être incarcérés ou battus parce qu’ils ont diffusé une histoire d’importance pour leurs concitoyens. Mais ça ne veut pas qu’il faut s’asseoir sur nos lauriers.