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Vous ne pouvez savoir ce que c’est – ce que les médias peuvent améliorer dans la couverture de nos proches portés disparus

Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est

LoreliePar Lorelei Williams

Que peut-on améliorer, dans les médias, quand il s’agit de couvrir nos proches portés disparus ?

Traitez nos femmes et jeunes filles portées disparues de la même façon que les autres. On a dit et répété que lorsqu’une personne non Autochtone est portée disparue, les médias sont tous en émoi, alors que lorsqu’il s’agit de nos femmes et de nos fillettes, il y a peu de médias qui se préoccupent d’elles. Ils ont plutôt tendance à les qualifier de fugitives, de travailleuses du sexe, de droguées et d’ivrognes. Il faut que ça cesse!

Avec ce type de couverture, il est encore plus facile pour les gens d’ignorer nos femmes et nos fillettes – déjà dévalorisées par l’opinion publique – puisqu’on insinue qu’elles ont bien cherché ce qui leur est arrivé.

Prenez le temps de relater convenablement les faits. J’ai donné un certain nombre d’entrevues et j’ai observé toutes les erreurs qui ont été commises dans la couverture des deux évènements qui ont affecté ma famille. Il n’y a aucune excuse pour faire des erreurs.

C’est ce que montre l’exemple de Tina House, d’APTN News. Comme elle travaille en Colombie-Britannique, elle doit faire une course contre la montre. En raison du décalage horaire, il faut que son reportage soit prêt à trois heures de l’après-midi. Et elle fait tout par elle-même : c’est elle qui tient la caméra, qui fait le travail de journaliste (elle réalise les entrevues) et qui s’occupe du montage, alors que d’autres journalistes ont un caméraman et qu’une fois que le reportage a été réalisé, ils le passent à un monteur. Tina, elle, prend le temps de faire des reportages justes. Elle a l’habitude de m’appeler plusieurs fois après m’avoir interrogée pour s’assurer qu’elle n’a pas fait d’erreur. Il y a d’autres journalistes qui font comme elle, mais c’est une infime minorité. Généralement, quand je suis interviewée par quelqu’un, c’est rare que la personne me recontacte. C’est comme ça qu’on fait des erreurs.

Les médias doivent cesser de publier des clichés anthropométriques de nos femmes et la photo de Robert Pickton. Un grand nombre de nos femmes autochtones disparues et assassinées (FADA) ont des enfants qui n’ont pas besoin de voir de tels clichés de leurs mères partout dans les nouvelles et sur Internet. C’est une chose qu’on ne peut pas effacer. Je ne dirai jamais assez la colère et la détresse que je ressens quand je vois la photo de Robert Pickton. Il suffit que j’entende prononcer son nom pour que je me sente envahie par l’angoisse. Arrêtez de nous faire revivre ce qui nous a traumatisés.

Les reportages que vous publiez nous collent à la peau. Ce que vous présentez au public, ça a un impact direct sur nous. Je ne sais combien de fois il m’a fallu reprendre les gens à propos de ce qu’ils avaient vu dans les médias. J’ai eu plusieurs altercations avec des hommes non-Autochtones sur la façon dont ils parlaient de nos femmes et nos fillettes à cause de ce qu’ils avaient vu dans les médias.

Penchez-vous sur quelques affaires non résolues. Les récits pourraient réveiller des souvenirs chez certains; il se pourrait qu’il y ait des témoins qui s’ignorent. Avec les affaires non résolues, on se heurte au facteur temps, car des témoins pourraient décéder. C’est ce qui s’est passé pour ma famille.

Trouvez des façons respectueuses de présenter les choses. Il s’agit d’êtres humains, des femmes qui nous donnent la vie.

D’autres conseils?

En ce qui concerne nos femmes et fillettes disparues ou assassinées, le racisme est profondément enraciné. La société canadienne n’a toujours pas réalisé que c’est un énorme problème dans notre pays, dans notre propre arrière- cour, alors que dans les autres pays, les gens sont conscients du problème, mais pas ici chez nous. J’ai donné plusieurs conférences sur la question, un peu partout au Canada. Quand je parle à des gens dans des restaurants ou des lieux publics dans ces endroits, ils sont stupéfaits d’apprendre ce que je suis venue faire là. La première chose que les gens me demandent est d’où je viens, puis ils me demandent pourquoi je suis venue dans leur ville. Et quand je leur explique la raison de ma présence, ils me disent : « Vraiment ? C’est un problème dans notre pays ? ». Ça arrive à tous les coups. Le déni est si répandu dans ce pays. On a besoin de vos reportages.

Vous devez aussi savoir qu’en tant que membres des familles [des victimes], on s’expose. Quand on parle à des reporters de l’un des moments les plus éprouvants de notre vie, on leur ouvre notre cœur. C’est très dur. On court le risque d’être jugés, attaqués ou critiqués, ou les trois à la fois.

Quand j’accepte de donner une entrevue, après, il me faut une journée pour m’en remettre. Ça reste toujours aussi difficile.

Faites en sorte que vos reportages soient bienveillants, compréhensifs et respectueux. Parlez des pensionnats autochtones, de la colonisation et des autres problèmes systémiques.

On n’entend jamais de choses positives à propos de nos femmes; juste ce qui ne va pas.

Quand vous faites un reportage sur ce qui est arrivé à nos proches, vous nous aidez à chercher des réponses. Vous pourriez nous aider à résoudre certaines de ces affaires. OUI, vous avez ce pouvoir.

Prêtez attention aux reportages qui précèdent ceux qui portent sur nos proches. Je me souviens d’avoir attendu la diffusion en ondes d’une entrevue que j’avais donnée. Je croyais que ça ferait la une, puisqu’il s’agissait de l’enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Or, l’entrevue s’est retrouvée en seconde place, après une histoire de chiens enfermés à clé dans une voiture. J’en ai déduit que les chiens étaient plus importants que nos femmes et fillettes autochtones disparues et assassinées. Ça m’a vraiment troublée de voir ça.

Faites preuve d’un peu plus d’ouverture d’esprit. Il y a des choses plus importantes à relater que le fait que Justin Trudeau ait accidentellement bousculé une femme à la Chambre des Communes.

[Ces disparitions et ces meurtres] sont des histoires VRAIES, qui touchent la vie de VRAIES personnes, lesquelles sont VRAIMENT des membres à part entière du CANADA. Les vies de nos femmes et de nos fillettes sont précieuses : faites donc preuve de respect envers elles.

Lorelei Williams est membre du peule Autochtone du Canada Skatin (St’at’imc), première nation de Colombie-Britannique du côté de sa mère, et de Sts’Ailes, C.-B. du côté de son père. Elle se consacre à la sensibilisation du public sur l’enjeu effroyable des femmes et fillettes Autochtones disparues et assassinnées au Canada.

 

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