Par Jeanne d’Arc Umurungi, GCM
Dans la grève des travailleurs de MBS Radio à Saint John, un silence mystérieux entoure l’employeur. Qui donc est Robert Pace ?
La situation de sept annonceurs radio et personnel administratif de trois stations de Saint John en grève depuis juin dernier retient beaucoup l’attention. Les sept travailleurs recherchent une entente équitable avec leur employeur, la société de Halifax, Maritime Broadcasting System (MBS). En près de six mois sur la ligne de piquetage, les sept grévistes de Saint John n’ont eu aucune rencontre avec le propriétaire de MBS, Robert Pace.
M. Pace est président et chef de la direction de Pace Group, la société propriétaire de plus de 20 stations de radio dans les Maritimes, d’une société immobilière, de sociétés de services environnementaux et autres. Il siège à de nombreux conseils d’administration prestigieux, notamment celui du Canadien National où il préside le comité des ressources humaines et de la rémunération.
« Des gens de notre propre collectivité et d’ailleurs nous approchent pour nous dire qu’ils sont touchés par le côté David contre Goliath de notre situation, explique Gary Stackhouse, président de la Guilde chez MBS Radio à Saint John. Pour nos membres, cela été difficile, mais nous nous battons pour la survie de la radio locale et pour servir les intérêts de notre communauté. C’était devenu quasiment impossible de faire ce que nous faisons comme travailleurs de radio. »
En guise de nouvelles et d’information locales – y compris la météo et la circulation – la radio passait des bulletins en provenance d’une petite salle de nouvelles à Halifax. Il n’y a pas de journalistes sur place pour couvrir les affaires municipale et provinciales, ou les enjeux et évènements qui se déroulent à Saint John. Les sept travailleurs ont également décrit des conditions affreuses, comme le cas de l’équipement tombé en panne et jamais réparé, ou celui d’un animal mort dans le système de ventilation sans qu’on y fasse quoi que ce soit. Par ailleurs, on compte un seul technicien spécialiste de l’informatique pour les 24 stations de MBS, et il n’y a eu aucune augmentation de salaire générale depuis 12 ans.
Ces difficultés ont retenu l’attention des résidents de Saint John et des Canadiens aux quatre coins du pays. Des supporters se sont joints aux grévistes sur la ligne de piquetage, les entreprises ont retiré leurs annonces et des membres de syndicats partout au pays continuent d’envoyer des dons et des messages de solidarité. Durant la période des Fêtes, quand les sept grévistes ont quitté la ligne de piquetage un moment afin d’organiser leur collecte de fonds annuelle pour une maison de refuge pour femmes et deux banques alimentaires de Saint John, l’appui était tel qu’ils ont rempli un camion et demi en 48 heures.
Seule voix silencieuse : celle de l’employeur, M. Pace.
Vérification des antécédents
MBS Radio étant une société privée, il est difficile d’obtenir des détails, mais l’information que nous avons sur Pace laisse perplexe quand on connaît les conditions de travail aux stations de radio de the Saint John, ou l’indifférence avec laquelle M. Pace accueille la lutte de ses employés.
Par exemple, en 1981, M. Pace était le conseiller des provinces atlantiques pour nul autre que le très honorable Pierre Trudeau, et a travaillé trois ans dans le bureau du premier ministre de la « société juste ». Le premier ministre avait d’ailleurs joué un rôle déterminant pour mettre fin à une grève de membres de la Guilde cherchant une première entente à la Presse canadienne en 1976, quand il avait refusé de franchir la ligne de piquetage.
(Fait intéressant : Le fils de M. Trudeau, le candidat à la direction du parti libéral au fédéral, Justin Trudeau a visité la ligne de piquetage de MBS en juin dernier et a exprimé son appréciation pour la radio tout en déplorant la situation des radios privées. Il a également dit qu’il ne pouvait choisir de camp dans le conflit.)
De retour dans sa ville natale de Halifax, M. Pace a eu du succès en affaires au Canada Atlantique, siégeant aux conseils d’administration d’organisations prestigieuses comme la Fondation Asie Pacifique Canada; Exportation et développement Canada; le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique; et Collège du Pacifique Lester B. Pearson.
Au printemps, l’Université Saint Mary’s a décerné à M. Pace un doctorat honorifique en commerce.
Ce n’est pas là le parcours habituel qu’on associe à un propriétaire absentéiste, d’où la frustration avec l’approche de M. Pace à ses stations de radio de Saint John qui consiste à profiter en toute insouciance du talent et de l’engagement des employés locaux, tout en réinvestissant très peu.
Les sept grévistes de Saint John tiennent le coup jusque là, mais ce n’est pas facile. « Être en grève n’est pas une partie de plaisir. On s’en fait pour le retour au travail, comment sera l’atmosphère; on se demande si on aura encore une job, si nos collègues auront encore une job. On se demande aussi quand la grève se terminera, si on va pouvoir payer ses factures; c’est beaucoup de soucis. J’avais espéré que ça ne prendrait pas si longtemps », explique une gréviste de Saint John.
D’après M. Stackhouse, les grévistes avaient espéré retourner au travail avant Noël, mais après une récente réunion sous l’autorité d’un médiateur fédéral qui n’a pas eu les résultats escomptés par le groupe de négociation, cela est maintenant peu probable.
Écoutez les sept grévistes de Saint John ici : www.radiofreesaintjohn.fm .
Suivez Jeanne `d’Arc sur Twitter : @JUmurungi